
Il seroit curieux d’avérer s i, dans ce grand
nombre de pyramides plus ou moins ruinées , il
s’en est trouvé q u i, sans sortir de la forme pyramidale
3 auroient été construites, par exemple,
daus la figure de cône.
Les anciens voyageurs font naître, à cet égard ,
des soupçons auxquels il est assez prudent de ne
donner aucune consistance.
Y eut-il encore des pyramides du genre de
celles que ces voyageurs ont appelées pymmides
à degrés on à étages? Ils ont cru en reconnoître
plusieurs dans cette forme. Elle consiste en ce
que la ligne de l’angle est interrompue par des
ressauts , et que la masse totale se compose de
parties en retraite les unes au-dessus des autres.
Pococke^a compté, cinq retraites ou.étages à un
de ces monumens, sans compter son soubassement.
Ces étages auroient vingt-deux pieds de
Lauleur perpendiculaire.
Que faut-il croire de cette particularité? Se-
3'oit-elle l’elFet d’une dégradation opérée, soit
par le temps, soit par quelque démolition systématique
, ou bien y verroit-on une manière de
faire servir pour la construction ces sortes d’étages,
à être un échafaudage naturel, et auroit-on
fini par remplir ces intervalles en procédant
du haut en bas ?
Cette conjecture est devenue une certitude,
comme on le verra, grâce à ceux qui ont pu ,
sur les lieux , recueillir de ces renseignemens
qu’on ne peut trouver que là , et auxquels aucune
divination nesauroit suppléer.
' De la construction des pyramides.
On ne répétera point ici ce qui a déjà été dit,
sur cet objet, à l’article de l’Architecture égyptienne.
Nous bornerons celui-ci à quelques notions
générales, qui , en faisant connoître les
moyens de construction mis en oeuvre par les
Egyptiens, diminuent un peu le merveilleux que,
de tout temps , on s’est exagéré, à la vue ou sur
l ’idée de ces énormes masses de matériaux.
Et d’abord il paroît bien prouvé, comme on l’a
déjà fait voir , qu’il faut décompter trois points
fort importans dans l’évaluation des matériaux de-
construction , dont se composent ces masses. '
Premièrement ce que l’on doit en appeler la
base,- qui lut l’ouvrage de la seule nature. On
sait que tous les grands édifices exigent, pour la
solidité de leur élévation, de très-grands travaux,
et une dépense considérable de matières, qu’on
enfouit dans la terre , sous le nom dejfondations.
Les grandes pyramides de Gyzée n’eurent point
besoin de cette dépense. Elevées sur un plateau
formé de la même pierre que celle qui servit à leur
bâtisse, elles trouvèrent, sans peine et sans frais,
un fondement inébranlable; ce qui a plus qu’on
ne-pense, contribué à leur conservation. Tous
les voyageurs conviennent que le plateau qui
semble leur servir de piédestal, fut aplani naP
l’art. *1
Secondement, en parlant de l'origine probable
des pyramides3 que nous avons cru voir dans l’u.
sage des tumuli3 ou l’emploi des buttes de terre
naturelles, creusées pour recevoir les corps, nous
aurions pu nous appuyer de l’autorité même de
leurs imitateurs , c’est-à-dire , des pyramides bâties,
qui toutes nous offrent, plus ou moins,l’idée
et la réalité même d’une montagne revêtue. Certainement
là pymmide3 ainsi considérée, perd
beaucoup du merveilleux de sa dépense et de sa
difficulté; mais on'est obligé .de convenir qu’il
eût été insensé de créer à grands frais une masse
énorme de construction perdue pour les yeux, et
qui n’eût offert qu’un noyau moins solide , et une
vaine dépense. Il paroît donc constant, que le
premier soin des constructeurs fut de se procurer
ce noyau naturel, d’y pratiquer les conduits, les
puits , les galeries , les chambres auxquelles elles
conduisoient, et dont les issues dévoient dispa-
roître par les revêtissemens successifs de là masse.
Voilà donc deux économies de matière et de main*
d’oeuvre , celle des fondations et du noyau.
Troisièmement, la dégradation de plusieurs de
ces monumens a mis à découvert uü autre moyeu
économique dans leur construction. On a vu que
’es pyramides de Gyzée furent construites tout
près des carrières, ou des montagnes d’où furent
extraites les pierres qu’on employa dans leur bâtisse.
La taille de ces pierres apportées sur le
chantier, où on les travailla, dut procurer une
énorme quantité de recoupes. Ge sont ces mêmes
recoupes qui servirent à former, avec le mortier
qu’on y mêla, le second noyau , ou pour mieux
dire l’enveloppe du premier noyau dont on vient
dé parler. Ce moyen de construction fort économique,
'devint en même temps fort commode au
constructeur, pour régulariser définitivement la
forme de la masse générale. Il put dès-lors procéder
à mettre dans là pente de ses quatre faces,
une précision géométrique. Il put donner à cette
masse de blocage toute l’épaisseur qu’il jugea
nécessaire , et il n’y a dans tout cela, comme on
va le vdiv , qu'une simple maçonnerie , qui n’exigea
ni a r t , ni difficulté d’échafaudage, ni main-
d oeuvre fort recherchée, ni la .moindre dépense
de matérieux. Ou temps et des manoeuvres , voilà
tout.
Quelques-unes des pyramides de Sa ec ara ont
mis à découvert le procédé fort naturel par lequel
on put parvenir, sans aucun autre échafau-
dage que la masse elle-même de maçonnerie,' à la
porter au degré d’élévation et d’épaisseur qu’on
voulut lui donner. % ' '
Les pyramides dont on parle sont effectivement,
ou du moins sembleîit être composées d’étages,
et plus d un voyageur les avoit crues conformées
ainsi, pour rester telles qu’ou les voit. Pococke les
appeloit pyramides à degrés. Cependant les observations
des nouveaux voyageurs , rendeiït de
[cette conformation une bien meilleure raison. Se-
i Ion eux, ces pyramides ne furent point terminées^-
et elles nous sont parvenues dans l’état d’une
construction incomplète. Mais celle imperfection
[donne l’explication du procédé employé par les
['constructeurs.
Lorsque le premier noyau dont on a parlé,
[formé d’un monticule.réel, ou plus ou moins artificiel,,
étoit terminé, il s’agissoit de l’envelopper
d’une maçonnerie de blocage. On y procédoil en
établissant, à partir d’en bas., et selon l’épaisseur
ïcouvenue , des espèces de terre-pleins, allant en
[spirale, et formaut, tantôt d’un côté , tantôt de
l’autre , des terrasses qui tenoîent lieu d’échafau-
tdage, et présenloient aux ouvriers des chemins
par lesquels ils pouvoient aller et venir dans des
sens divers. En répétant, pu pour mieux dire en
[continuant d’élever ainsi ces sortes de chemins
[ou terrasses , toujours diminuant d’épaisseür , se-
i Ion la pente des angles , la maçonnerie, sans embarras
et sans aucune dilfioullé, arrivoit jusqu’au
homniet. 1 Lorsque celte construction étoit parvenue à ce
rpoiut, on voit combien il fut facile , par une
[opération rétrograde, de procéder _à remplir,
[arec la même maçonnerie de blocage , lès inter-
[valles d’une terrasse à l ’autre, en partant de l’angle
de la terrasse supérieure, jusqu’à l’angle de
Icelle qui lui étoit subordonnée.
[ Ensuivant ce même procédé du haut jusqu’en
[bas, la pyramide se trouvoit très-régulièrement
[conformée en talus, dans ses quatre faces, sans
I qu’il ait été besoin d’employer le moindre éclra-
tfandage; car c’est là le point de vue qui devoit
[guider les ponstructeurs , dans un pays gui man-
Iquoit généralement de bois. Ajoutons que, pour
[une telle construction , l ’échafaudage eût exigé
i | {ort grandes difficultés , etr des. dépenses considérables.
. . . .
[ Maintenant, comme on voit, s’expliquent les
\pyramides de Saccara, qui offrent de ces étages ,
r©u terrasses en retraite les unes au-dessus des
[autres , et rien ne peut- rendie. iin meilleur
Icompie, du procédé, de bâtir, simple à la* fois ,
commode et peu dispendieux, qui servit à élever,
[dans la proportion déterminée, la masse générale
-de la pyramide.
L Nous voici donc arrivés au point où commence
I opération de l’enveloppe en pierres de taille ,
iqm va cacher la. masse de maçonnerie en blocage,
; Cl| t 0û vient d’indiquer là construction. Nous
[parlons surtout des pyramides de Gyzée.
^om qu’on doive les considérer comme des
[»tasses toutes d’une seule matière , il faut les
regarder comme ces fruits que la nature a re-
Yetus dan grand nombre d’enveloppes. Nous en
P 0Ds> lliéjà distingué deux , nous arrivons à la
troisième. .
• fille se composoit d’assises faites d’une pierre
de taille peu dure à la vérité, si on en croit les
voyageurs, mais d’une consistance assez grande
pour se laisser tailler en blocs de toute étendue. 11
est difficile d’évaluer avec certitude la dépense et
le temps que demanda cette enveloppe depierres.
Nous ignorons effectivement jusqu’à quelle profondeur
de la masse totale elle s’étend , c’est-à-
dire , s’il y a plusieurs de ces rangs ou assises de
pierres disposées les unes en avant des autres.
Mais les indications dont on parlera dans la suite,
doivent laire croire que le parement en pierres
ne se composa que d’une seule couche de pierres.
Quoi qu’il en soit, nous savons , et par les notions
d’Hérodote, et par le fait de l’ascension facile
jusqu’au sommet de la grande pyramide 3 que
ces assises formoient des degrés en retraite l’ un
sur l’autre. C’est en montant, comme on l ’a vu
plus liant, tous ces degrés , que l ’on est parvenu ,
par la mesure de chacun en hauteur ,.à connoître
; ir^Srprécisément celle de la niasse totale , en ligne
; perpendiculaire.
Le nombre des assises existantes au temps de
l’expédition d’Egypte, étoit de 2o5 ; il est probable
qu’il devoit, en manquer au moins deux
dans le haut. Sur ces 2o5 assiseson en trouve go
dont la mesure en hauteur varie depuis i pied
i l pouces, jusqu’à i pied 8 pouces; le plus grand
nombre est de i pied io pouces. Ou compte lo i
assises dont la hauteur varie depuis 2 pieds i l
^pouces, jusqu’à 2 pieds ; i 5 assises dont la hauteur
varie depuis 3pieds iopouces,jusqu’à 3 pieds.
Enfin deux seules, assises, l’une de 4 pieds de
hauteur, l’autre de 4 pieds 6 pouces.
Il ne paroît pas, d’aprcs le tableau arithmétique
de toutes ces assises , qu’i l y ait eu un ordre
établi dans l’emploi qui fut {[ait de ces différentes
mesures de pierres. On remarque seulement que
les six premières assises d’en bas sont composées
de pierres dont la hauteur varie de 3 pieds io
pouces 6 lignes, jusqu’à 3 pieds. Du reste, le hasard
paroît avoir contribué seul à entremêler tes
différons ordres d’assises.
Hérodote nous avoit déjà appris que la grande
pyramide avoit éié ainsi formée d’assises de pierres
disposées en degrés , qui depuis ont servi d’es-
calier,aux curieux pour monter au sommet, mais
q u i, dans l’intention des constructeurs, dévoient
servir de moyen fort naturel pour l’ascension d^s
pierres. « Elle fut bâtie (dit cet 'historien) en
» forme de degrés..... Après qu’on l’eut ainsi fà-
» çonnée, on éleva le reste des pierres, à l ’aide
* de machines faites de pièces de bois courtes >
» on les monta d’abord sur le premier rang d’as-
» sises. La pierre, arrivée sur ce premier degré ,
» étoit reçue par une seconde machine placée
» elle-même sur le second degré. De-là, et de
» machines en machines , on.la faisoit monter c*
» degré en degré; car il y avoit autant de ma-
» chines que d’assises. Ou bien l’on trausportoit
* au degré qu’on vouioit, la machine, qui etc it