
■ 6o6 V I T
-eût voyagé dans l’Italie méridionale , il y auroit
va sans doute beaucoup de monumens du style
dorique grec , monumens aujourd’hui connus de
tous les architectes , dans les nombreuses ruines
qui en existent encore. Il paroit certain que s’il en
eut eu conuoissance, autrement peut-être que par
des descriptions , il n’auroit pas manqué de faire
remarquer ce mode dorique, comme un antécédent
de celui qui étoit en usage de son temps -, lui
qui n’a pas omis de faire mention de l ’ancien
mode toscau dans la construction des temples. Il
est vrai qu’il a voit pu eu connoître les traditions'
dans 1 Italie septentrionale, où il nous apprend
lui-même qu’il avoit séjourné, et qu’il avoit été
employé. D’ailleurs , Rome avoit encore, de son
temps, conservé dans plus d’un édifice sacré,
la méthode et les pratiques de la construction
toscane.
I l paroit donc que Vitruve se sera borné Sur
cet article , comme sur tous les autres, à établir
ses règles d’architecture d’après l’état de cet art,
tel qu’il se comportoit à Rome de sou temps ,
d après les modifications que ses proportions et
son style y avoit subies, d’après les modèles
et les exemples qu’il avoit sous les yeux $ qu’il
travailla enfin pour ses contemporains , et eu
se conformant aux doctrines ou aux pratiques en i
crédit et en usage alors.
Le seul ouvrage sur lequel on pourroit se
former une idée approximative du mérite de V i truve
, non plus comme théoricien , mais comme
architecte de pratique , seroit l’édifice de la basilique
de Funo, qu’il construisit en entier d’après
ses propres dessins, et dont il s’est plu à nous
donner une description assez détaillée, si le dessin
qui l’accompagnoit dans son ouvrage eut pu nous
parvenir. Malheureusement en ce genre, comme
en bea ucoup d’autres , les paroles d’une description
la plus détaillée , ne sauroient équivaloir au
irait le plus abrégé, tant il est difficile de faire
comprendre par l ’esprit, ce qui de sa nature est
destiné à s’adresser avant tout aux yeux.
La description que Vitruve nous a laissée de ce
mon unie o l , donne toutefois à connoître qu’il
avoir tenté d’introduire dans sa composition une
nouveauté, dont il n’est pas impossible de se
figurer l’effet et d’apprécier la valeur ou l’abus.
Ainsi l’on sa it, et i on apprend de Vitruve lui-
même, et d’ailleurs des restes d’antiquité le confirment.,,
que toute basilique, clans son intérieur,
devoit se composer de trois nefs, celle du milieu
plus large que les deux autres , qu’ainsi deux
rangs de colonnes en occupoieut la longueur. On
sait qu’au-dessus de chacun de ces deux rangs
de colonnes , s’élevoit un étage de colonnes plus
petites, formant une galerie tout à l’entour, V i truve
jugea à propos de n’établir dans sa basilique
qu’un seul ordre de colonnes au lieu de
deux. Ces colonnes, selon les mesures qu’il en
donne , avoient cinquante pieds de hauteur j mais
V I T
pour satisfaire à la donnée indispensable de l’étage
en travées formant galeries, il dut accoler
à ses colonnes , dans la partie regardant les bas-
côtés, des pilastres de vingt pieds de haut, larges
de deux pieds et demi et d’un demi-pied d’épaisseur.
Sans doute de semblables pilastres corres-
pondans étoient adossés aux murs latéraux des
bas-côtés , et supportoient les planchers des galeries
dont on a parlé« Vitnu>e fait encore observer
qu’il a couvert son intérieur eu voûte : ce qui
donne à entendre que l’usage auroit été de plafonner
les basiliques j chose d’autant plus probable
, que la coutume étoit d’y établir en bois
de charpente toutes les architraves. Nous laissons
chacun juge du bon elfet de l’innovation de notre
architecte, qui toutefois s’en applaudit , soit
pour la beauté de l’aspect, qui effectivement dut
gagner en grandeur dans la nef du milieu, soit
en considération de l’économie qui paroit,roit lui
avoir inspiré cette disposition«
Quoique le Traité de Vilruve soit fort loin de
pouvoir nous dédommager de la perle des nombreux
traités et autres ouvrages composés par les
architectes grecs sur leut* art , on ne sauroit contester
qu’il soit d’une très-grande utilité à l’at-
tiste moderne, surtout à celui qui pat des étndes gifs
uéralisé.es s’est appris à voir, au-delà des exemples
et des documens postérieurs , les autorités qui-leut
servirent de régulateur, et à remonter de cer-;
tains points traditionnels, de certains modèles
plus ou moins modifiés, aux monumens originaux
et aux doctrines classiques des temps antérieurs,
où les arts avoient atteint leur perfection.
En général, il existe deux excès également à
éviter par ceux qui pratiquent les arts, et surtout
l’architecture. Les uns , frappés du vide immense
que le temps et la destruction ofit opéré dans les
modèles, les traditions ou les préceptes d e fan -
tiquité , se persuadent trop facilement que le peu
d’ouvrages qui nous est parvenu des Anciens, ne
doit point faire règle , que dès-lors leur autorité
est plus ou moins arbitraire. Les autres, par une
rigueur loüt-à-fait opposée, tirent des conséquences
trop absolues d’ouvrages que le hasard
seul a épargnés, et ne se permettent pas de supposer
que les Anciens aient jamais fait autre
chose , ni d’une autre manière, que ce que leur
démontrent les foibles restes qui ont échappé à
la ruine presque universelle de leurs monumens.
Ainsi, pour donner de ceci un exemple , si Vi-
trupe ne nous eût pas dit qu’il avoit élevé sur les
colonnes de sa basilique une couverture en berceau
, eu en voûte , beaucoup, nieroient que la
chose se fût pratiquée, et ils regaréeroieut la
couverture en plafond sur colonnes comme la
seule qu’on pût'se permettre* Cependant, pourquoi
ne conc.ueroil-ou pas d’une voûte sur colonnes
dans une basilique , à une pareille pratique
sur les colonnes d’une nef de temple , comme les
propres paroles de Strabon nous le donnent à
V I V
entendre de la nef du temple de Jupiter Olympien ?
Ce qui est fort à regretter, c ’est que les dessins
dont Vitruve avoit accompagné les dix livres
de son Traité, soient perdus. Ou ne sauroit dire
combien de difficultés, et d’obscurités auroient été
levées et éclaircies à l’aide de ce langage , qui dit
par un seul trait, et avec la plus grande clarté, ce
que- toutes les explications et toutes les tournures
de phrases ne sauroient faire comprendre.
Nous avons déjà, vu qu’on avoit tenté d’attribuer
à Vitruve l’arc de Vérone, où 011 lit son
nom, et que cette opinion avoit été complètement
réfutée. Cet architecte ayant vécu sous le
règne d’Auguste, quelques critiques ont imaginé
de lui attribuer l’érection de l’arc de triomphe
de Rimini, élevé l’an 727- de Rome , sous le septième
consulat d’Auguste, ( Voyez Rimini, ) Fa-
bretti, et ensuite Temanza , n’ont pas eu d’autre
raison en faveur de leur conjecture, que le synchronisme
de Vexistence d’Auguste et de Vitruve,
comme si à cette époque il n’y eût pas eu dans
l’empire romain d’autre architecte que Vitruve.
On a d’ailleurs trouvé , dans l’ouvrage même de
cet architecte, une assez forte preuve qu’il n’ayoit
point été fauteur de ce monument. En e lfe t, il
désapprouve , comme une sorte de pléonasme ar-? |
chitectural, l ’emploi des denticules placés sous
les modifions, le denticule paroissant, dans le
système d’imitation emprunté à la construction
des couvertures en bois , avoir la même origine
que le modifion, Or, ce double emploi se rencontre
à l’arc de Rimini, et l ’on doit croire qu’il
appartient à un architecte théoricien , plus qu’à
tout autre , d’être dans la pratique fidèle aux
règles de sa théorie.
S’il est vrai qu’un auteur se peint ordinairement
dans ses écrits, Vilruve nous donne partout de
lui l’idée d’un homme fort modeste, éloigné de
toute brigue, d’une probité sévère, et ce qui pa-
reît devoir encore le confirmer, c’est qu’il ne parvint
que dans un âge fort avancé, à recueillir quelques
fruits de ses nombreux travaux.
VIVE-ARÊTE. Voyiez, V if .
VIVIER , sub. m. Pièce d’eau v iv e , selon ce
qu’indiqueroit la formation du mot, où l’on entretient
et où Ton nourrit des poissons.
L'établissement des viviers,, dans les maisons de
campagne, fut un des principaux luxes des riches
Romains. Ils ne se contentoient pas d’avoir des
étangs pour y conserver plusieurs sortes de poissons
d’eau douce , ils en creusoient encore sur le
bord de la mer, dont ils déri voient l’eau pour y
nourrir des poissons de mer. Plusieurs des mai-*
sons de campagne des environs de Rome ou de
Baies, devinrent célèbres par le revenu des viviers
ou le propriétaire nourrissoit des poissons rares.
Quelques-uns de ces poissons, tels que la murène,
donnèrent leur nom à ceux qui eu commereoieut,
v 0 r 6 0 7
• et firent aussi leur fortune. Hortensius'avoit des
! viviers dont l ’établissement lui avoit coûté des
sommes immenses., et dont l’entretien n’étoit pas
moins dispendieux.. Lucius Lucullus ne fut pas
moins célèbre par- ses dépenses en ce genre. Dans
sa campagne près de Naples, fi fit percer des montagnes
pour dériver l’eau de la mer et la conduire
à ses viviers. Dans une autre de ses.villa , près de
Raies., il somma son architecte de ne point épar-
: gner sa fortune, pour creuser des canaux souter-
: rams entre la mer et ses étangs.
Ces étangs avoient aussi pour objet de procurer
aux maîtres de ces campagnes le plaisir de la pêche.
Parmi les peintures d’Herculanum , il y en a
plusieurs qui représentent de ces sortes de scènes.
Pline le jeune a fait la description de ses campagnes
situées sur le bord d’un lac. Dans l’une de
ces maisons il avoit l’agrément de pouvoir pêcher
lui-même de sa chambre,
Nos grands , dit Cicéron , se croient les plus
heureux des hommes lorsque, dans leurs viviers
ils possèdent un mulet ou une barbue de mer, qui
vient prendre la nourriture de leurs mains ; et
Pline nous assure que, dans 1 es viviers de César ,
il y avoit plusieurs poissons qui approchoient lorsqu’on
les appel oit. Les étangs ou viviers creusés
dans le roe passaient pour être les meilleurs. Au
défaut de roc on battoit bien la terre sur les bord?.
Dans le fond , ou le s o l, on creusoit différentes
cavités 5 quelques-unes étoient taillées carrément,
c’est là que se reposoient les poissons à écailles y
: d’autres contournées en spirale étoient destinées
aux murènes. On donnoit communément à l’eau
neuf pieds de profondeur au-dessous de la surface
de la mer. Divers canaux étoient pratiqués, les
uns pour amener les eaux , les autres pour leur
décharge 5 ces derniers avoient des grillages pour
empêcher les poissons de sortir avec l ’eau. Pour
que les poissons ne trouvassent aucune différence
entre ceseaux renfermées, et celles des fleuves ou.
de la mer , on ménageoit pour leur retraite, des
blocs de rochers que l’on couvroit d’algues et de
plantes aquatiques.
V O I E , subst. fétu, du mot latin v ia , chemin,,
route, etc.
Au mot Chemin (voyez- cet article)., nous avons
rendu compte, avec assez de détails, de la partie
qui entre naturellement, dans les travaux de l’art
de bâtir, et qui regarde la construction, l’établissement
et Inexécution des grands chemins, soit
chez les. Anciens , soit chez les nations modérées,
et nous avons renvoyé à l’article V oie , ce qui
regarde les cotinoissances historiques et archéologiques
que ce mot comporte. Nous réduirons
toutefois aux notions les plus essentielles, ce que
le lecteur peut exiger de nous sur cet objet.
L ’histoire nous a transmis trop peu de dérails
exacts sur les chemins et les voies publiques des
plus anciens peuples y pour qu’ il soit possible de