
Les deux extrémités du toit formèrent les deux
frontons antérieur et postérieur, et voilà de toute
nécessité le premier temple grec.
Comme, par une suite d’inductions et de preuves
indubitables, ce premier temple, répétition évidente
de la maison alors en usage, nous révèle
dans son type originaire ? le système que l'architecture
s’appropria , en développant et perfectionnant
son modèle, l’architecture va nous donner
à son tour, l’histoire du temple en Grèce,
celle de son accroissement, de son développement,
de ses variétés et de ses diverses compositions.
Mais aurons-nous besoin d’aller interroger dans
toutes les contrées, les restes de ce nombre prodigieux
de temples | ouvrages d’un si grand nombre
de siècles ? On sent combien un tel rapprochement
seroit difficultueux et long. Puis, qui nous
assureroit, vu l’immense destruction qui a eu lieu
en ce genre, que le hasard nous auroit conservé
un exemple complet de chacune des diversités,
auxquelles ces monnmens furent soumis ?
Eh bien ! un seul traité d’architecture, celui de
Vitruve, va. nous mettre à même de parcourir
toutes les diversités du temple grec, depuis le
plus simple et le plus petit que nous venons d’imaginer,
en quelque sorte à priori, d’après la seule
autorité de quelques faits, jusqu’à celui que des
restes encore existans nous feront connoître,
comme étant ce que l’art a conçu et exécuté de
plus grand et de plus riche. O r, cette énumération
descriptive de tous les genres de temples, qu’a
produits l’architecture grecque, bien qu’extraite
d’un chapitre ou deux de Vitruve, nous croyohs
qu’elle doit suffire à l’histoire complète de celte
partie de l’art , pour plus d’une raison. D’abord,
c’est qu’instruit dans son temps, mieux qu’on ne
peut l’être aujourd’hui, sur une matière pour laquelle
il avoit' fait de§ recherches, Vitruve a dû
être à pôrlée de connoître toutes lés variétés
qu’il avoit intérêt de rassembler. Disons ensuite
que les rites religieux avoient, tant en Grèce
qu’à Rome, prescrit un certain nombre d’espèces,
de formes et ae dispositions pour les édifices sacrés
, sur lesquelles l’art s’exerçoit librement quant
à ce qui est proportion, dimension , ornement et
goût, mais toutefois d’après certains types donnés
qui évidemment ne lurent pas très-nombreux , et
que tout architecte devoil connoître. Enfin, deux
autres considérations viennent témoigner eîT faveur
de l’éxactitude de Vitruve. La première est
que toutes les espèces de temples} dont il nous a
donné l’idée et la description, ont retrouvé leurs
homonymes et leurs pareils, dans les restes encore
assez nombreux, que le temps n’a pu achever de
détruire, sur le soi d’un grand nombre de villes
antiques. La seconde, c ’est qu’entre tous ces monu-
mens parvenus jusqii’à nous , on peut douter qu’il
s’y en soit trouvé d’une espèce étrangère à ceux
que renferme l’analyse de l’architecte romain.
Notions historiques et théoriques sur les dépe.
loppemens successifs du temple grec.
Nous avons vu que la nature des choses mj«
les faits et l’histoire, s’accordent à nous doûner
une idée précise, de ce quedut être dans sa conformation
et sa construction, le temple primitif en
Grèce. Le système constant ét universel de Par.
chiteclure grecque perfectionnée, ne nous a pas
permis de supposer, qu’il ait pu être autre choseI
qu’un assemblage de bois de charpente , dans ses
murs et dans sa couverture. Vitruve nous a conservé
un nouveau témoignage de cette origine et
de cette constitution première, dans les notions
qu’il nous donne du temple toscan, dont la structure
, selon toutes les apparences, s’étoit perpétuée
en Etrurie, et s’étoit propagée à Rome. Or, Pou
sait que les arts de l’Etrürie ne furent, en tout
genre, comme sa langue, son écriture et sa my. j
thologie, qu’une émanation très-ancienne des pra- !
tiques' et des usages de la Grèce. Eh bien, ce
temple toscan, décrit par Vitruve, étoit un composé
de bois de charpente. Des poutres en bois
formoient sa toiture, ses combles et son entablement.
Ainsi peut-on affirmer que la chose avoit eu j
lieu fréquemment en Grèce, avant une certaine
époque. Polybe nous appi-end que Dorimaque
étant arrivé au temple de Dodone, brûla ses colonnes
, ou ses portiques, selon qu’on voudra
entendre le mot ?o«s; et comme il ajoute qu’il j
renversa ensuite la cella njvitpdv il est à croire
que la cella étoit environnée de colonnes en bois. !
Plus d’un passage de Pausanias fait mention de I
colonnes, de bois conservées , comme témoins de,
l’ancien usage, dans les édifices en pièrre qui
succédèrent à leurs antiques modèles. On peut'
même croire que l’usage des colonnes aux frontispices
du temple ne fut pas, dans les premieis feinjïs,
d’une nécessité absolue. Lorsqu’un sommier eu
bois, vu le peu de largeur de ces constructions,
put, sans aucun inconvénient, s’étendre d’un !
mur à l’autre, il’y-eut, comme la simple^bature
l’indique, un vestibule couvert en avant de la
porte, qui se trouva reculée sous cet abrL
Ce fut là que prit naissance le premie# temple*
ordonnance régulière, 'selon la classification de1
Vitruve, je veux parler du. temple g-u’il appelle
in antis. Très-naturellement, lorsque la maison
du dieu acquit de plus grandes dimensions tant en
longueur qu’en largeur , le sommier, ou la plate-
bande en bois dont on vient de parler, eut besoin
d’être soulagée dans sa portée, par des supports
verticaux, ou des bois debout, qui furent les colonnes
primitives. Mais il est encore plus évident,
que lorsque la pierre fut, dans la suite, substituée
au bois , l’architrave en pierre û’aura pu remplacer
la plate-bande en bois, que par une réunion de
blocs, qui exigèrent plus impérieusement encore,
l’emploi des colonnes d’une ante à l’autre, ce*1*
I , - delà tête d'un des murs latéraux du temple , I r . 'tête de l’autre mur. Voyez Aste. * Tout d a lle s ouvrages de l’homme, et surtout
L J . ceux de l'architecture, ayant du a 1er pro-
fesivement du simple au composé; U nous a
ir a naturel,.en suivant les résultats de cette loi
Minérale, pour la formation des temples enGrece,
§ placer le temple in antis, comme lepremiei
t Ps les inventions de l ’art, ainsi que Vitruve le
Jace en tête, dans l'ordre de leur composition
Cependant la succession des inventions et des
compositions de ce genre , ne fut pas telle, qu un
„L e plus varié-et plus composé , dut faire tomber
dans l’oubli celai qui l’étoit moins. Au contraire,
la diversité des besoins et des circons-
' tances, qui toujours ont dû présider a la confection
des temples, fit concourir enlr elles, toutes
1« sortes de dispositions, auxquelles les progrès
des sociétés donnèrent'lieu. Or, celle^ qui ans
l’ordre naturel des choses fat la première, nen
continua pas moins detre employée, lorsque les
besoins et les convenances l’exigerent. 11 n y eut
: de changé, que ce que le perfectionnement de
l’art dut y ajouter d’ordre et de régalante. ■ I
Ainsi le temple in antis (ou commeles.Grecs
l’appeloient, e» vxfwrrum) reçut aux tetes de ses
mars latéraux, la forme cfun pilastre correspondant
par ses détails et ses profils , a ceux des colonnes
intermédiaires, dont Vitruve pprtele nombre
à deux, quoique rien n’ait pu empecber a y en
placer davantage. Mais on doit observer que Vi-
tmve, dans sa classification méthodique, a en aussi
l’intention de soumettre ses exemples, aune progression
de richesse comme de graudeur. L,e
temple à antes paroît donc avoir été „en usage
dans tous les temps. Tel étoit à Albenespelm dont
il s’est conservé des restes,fort considérables, et
que Stuart, dans «on,premier volume des antiquités
de cette ville, appelle temple sur ( IUissus.
Vitruve nous apprend qu’il y en avoit un de ce
genre, entre les trois temples de là Fortune ,^qne
Pon voyôit près de la Porta Collina , aujourdliui
Porta Salara. I
La construction des temples en Grece, dut suivre
les progrès de la population et de la richesse do
pays, Tant que leshommes restèrent divises en bourgades
, le temple in antis construit en bois put
suffire anx besoins du culte. Nous eu dirons autant
du second genre de temple qu’on appela prostyle,
parce qu’on y substitua à chaque pilastre des antes
formant la tête des murs latéraux’, une colonne
isolée, laquelle s’alignant avec les deux colonnes
du milieu, donna an front du temple, un vestibule
ouvert des deux côtés, et ce que nou,s appelons
aujourd’hui un péristyle isolé. L’architecture
a conservé, et dans de grandes proportions, Ijmp
d’exemples de ce genre de frontispices de temple,
pour qn’on ait besoin d’en citer ici. La composition
du temple grec acquit bientôt un accroissement,
dans ia répétition qu’on fit du pro stylo n a la
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face postérieure de l’édifice , en sorte qu’il eut
deux entrées parfaitement semblables , deux vestibules
à colonnes isolées , et surmontées d un h on-
ton. Ce genre de temple qu’on nomma amphipro-
style, est le troisième dans l’ordre que leur assigne
la classification de Vitruve. Très-probablement
, long-temps avant que l’architeèture ait j
réduite en art, par l’importance que dut exiger le
travail de la pierre, les temples dont on vient üe
parler , avoient reçu dans le travail du bois , des
formes déjà déterminées , et une sorte de régullàrité.
- ■ . f
Nous avons déjà eu l’occasion d expliquer (, vqy.
AncHïTECTunE , Cabane) , comment ce ep^An’ ap
pelle la cabane en bois, devint le modèle de l architecture
, et comment les colonnes , les chapiteaux,
les frontons, les entablemens et toutes les parties
delà modénature, avoient dû être façonnées dans
leur configuration, et même leurs proportions, de
manière, que l’art n’eut plus quà terminer e a
polir, si l’on peut dire, dans des matières p us
précieuses, ébauchp des édifices en bois, fixer a
cette sorte d’élaboration une époque précise, seroit
, surtout aujourd’hui, une prétention d autant
plus vaine, que de pareils travaux , résultats une
succession d’épreuves et de tentatives, ne sauraient
avoir eu de date. On est as,sez porté à croire que
ce fut après la guerre des Perses, qui avoient
incendié beaucoup de temples en Grece , que l architecture
en pierre prit tout son développement
dans les temples. ,
Alors, effectivement, nous voyons s agrandir
outre mesure les images des dieux. C’est de cette
époque ("ainsi, que nous l’avons montré dans notre
ouvrage du Jupiter Olympien) _que datent ces statues
colossales d’or ;èt d’ivoire1, et ces trônes qui
firent dans des compositions plus on moins semblables,
l’ornement de presque tous les sanctuaires.
Il fallut que l’agrandissement des temples suivit
celui des'simulacres divins. . . . . ,
lia dimension du local destine a la demeure
d’un dieu colossal, exigea l’accroissement de 1 extérieur
, soit pour que le dehors répondit a la ma-
I onificence du dedans, soit pour donner une plus
haute idée du culte , soit pour la commodité des
cérémonies, et de ceux que leur pompe devoit y
appelèr et y réunir. De là , probablement, la
■ disposition du quatrième genre.de tèmple, je veux
dire, selon Vitruve, le temple pdriptère.
Il fùt dans la nature de l'architecture, et on doit
le dire’bussi-des autres arts, en Grèce, de rester
fidèle au type origbaire-.de sa formation. Sortie
d’un germe fécond, celui de la construction en
bpis,oûse.trouvèrent'réunislesdeuxprincipes dunité
et de variété >i,elle ne f i t , dans le cours des
siècles, que tirer les Conséquences de 1 un et de
l’autre. Si l’on considère cet art, particulièrement
dans l’un de ses plus grands résultats, celui de la
disposition des édifices sacrés, on ne saurait s empêcher
d’admirer, comment, à l’instar de la nature