
ques des entreprises de ce genre chez les Grecs. Si
nous en croyons les documens de l’histoire, Rome
auroit, dans les premiers siècles, emprunté une
grande partie de ses usages et de ses pratiques aux
Etrusques ; et comme il est indubitable que les
plus auciennes communications eurent lieu eu tout
genre entre la Grèce et l’Etrurie, ce que Rome
emprunta à celle-ci, avant de correspondre directement
avec les Grecs, ne put point ne pas
avoir des rapports au moins indirects avec leurs
arts. Dans l’Elrurie il y avoit trois espèces de
jeux scéniques, ou de pièces appelées tragiques
comiques et satjriques ou champêtres. Les jeux
Alellans étoient de ce dernier genre. On les nom-
moit ainsi de la capitale des Osques, Atella, ou
ils avoient pris naissance. On trouve encore en
Elrurie quelques restes de théâtres antiques, mais
on ne peut pas savoir leur date, et il est à présumer
qu’ils sont de construction romaine.
Quand on voit qu’à Rome , au siècle de Yilruve,
les théâtres se construisoient en bois, il devient
très-probable que les Romains imitèrent en cela
leurs voisins les Etrusques, chez lesquels l’usage
de bâtir en bois nous est attesté par la construction
de leurs temples, construction que Yilruve.
nous apprend s’être perpétuée à Rome jusqu’à son
temps, dans ce qu’il appelle le temple toscan. Les
premiers théâtres qui y furent élevés, n’étoient
guère que des constructions plus ou moins temporaires,
en bois de charpente, qu’on assembloit
pour le temps des jeux, et que l’on démontait
après qu’ils étoient terminés. Ce fut l’an 699 de
Rome, que les censeurs Val. Messala et Cassius
Longinius imaginèrent de -construire un théâtre
permanent; mais le consul Scipion Nasica le fit
détruire, par respect pour les bonnes moeurs.
Cependant le luxe et la magnificence ne sé signalèrent
qu’avec plus d’éclat, dans la construction
des théâtres en bois, dont la durée éphémère
éloit subordonnée à celle des fêtes. Scaurus,
gendre de Scylla {voyez S c è n e ) , prodigua des
sommes immenses au théâtre temporaire qu’il fil
bâtir. Curion ne pouvant enchérir sur la somptuosité
de Scaurus, voulut se signaler par une nouveauté
aussi hardie qu’ingénieuse. Il fit faire deux
théâtres de charpente tournans chacun sur un pivot
, et adossés l’un à l’antre, de manière qu’après
avoir servi aux représentations scéniques, ils
tournèrent sur ce pivot avec tous les spectateurs
qu’ils renfermoient, et se réunirent pour former
un véritable amphithéâtre, ou l’on donna des
combats de gladiateurs.
Enfin, le luxe et le goût des spectacles croissant
de plus en plus, on en vint à construire en pierre
des théâtres qu’on enrichit des marbres les plus
précieux. A son retour de la guerre contre Mithri-
date, Pompée fut le premier à en élever un de cette
sorte, et il le dédia sous sou nom, l’an de Rome
699. Il imita, dit Plutarque, celui de Milylène,
mais il le fit plus grand, et capable de contenir
40,000 spectateurs. II n’en reste plus à présent qu$
quelques foibles vestiges dans les écuries d’un
palais à Campo di Fiore.
L’an 74* de Rome , Cornélius Balbus consacra
sons son nom le théâtre qu’il avoit fait construire
en pierre , et de la même année data la dédicace
de celui de Marcellus.
Il dut sbn commencement à Jules-César, qui eu
avoit jeté les fcndemens l’an 706 de Rome. Mais
la mort vint arrêter ses projets et suspendre pendant
quelque temps l’exécution de ce monument.
Auguste le continua sur le même emplacement,
et le dédia sous le nom de Marcellus, fils d’Octa-
vie, en l’honneur de laquelle il bâtit par la suite le
portique voisin de ce théâtre. Il est le seul dont on
voie encore aujourd’hui des restes assez considérables,
pour donner l’idée du goût de son architecture,
c’est-à-dire de celle de ses portiques extérieurs.
Le rang inférieur étoit d’ordre dorique;
le supérieur est de l’ordre ionique. Les diverses
parties que le temps en a respectées , ne sont ni
également conservées, ni de la même élévation-,
Ce qui subsiste des portiques ou de la galerie dorique
du rez-de-chaussée, se trouve enterré de
plus de moitié, et la cymaise supérieure de son
entablement est ruinée presqu’en entier. L’ordre
ionique est mieux conservé. Son entablement est
intègre, à la réserve de la cymaise et du larmier de
la. corniche, qui ne se trouve nulle part. Il ne
reste absolument aucun vestige du troisième ordre
de portiques , qui sans doute fut corinthien. Des
palais et des maisons particulières ont été bâtis
des ruiues de ce grand édifice, et s’élèvent encore
sur ses débris. Cependant les fragmens de son
architecture sont au nombre des ouvrages classiques
, qui ont servi de modèles aux architectes
modernes, et ils sont toujours précieux comme
ouvrages du siècle d’Auguste, et faisant connoi-
tre l’état de l’art à cette époque. Or, si l’on en
juge par des édifices du même genre, c?est-à-dire
formés aussi, comme le lurent les amphithéâtres,
de portiques, en piédroits et arcades, ornées de
colonnes , et tel est le Colisée bâti sous Titus, on
est obligé de convenir qu’aucun de ces mo-
numeus n’égala le théâtre de Marcellus, pour la
beauté des proportions , pour la pureté des profils
et la précision de l’exécution.
L’Italie supérieure nous offre, hors de Rome,
fort peu de restes de théâtres assez conservés , pour
qu’on puisse se faire une-idée de leur architecture.
Il paroilroit que les jeux ou les combats de 1 amphithéâtre
auroient eu une prédilection, qui auroit
nui dans ce pays aux plaisirs de la scène. H
faut en sortir pour pouvoir citer quelques théâtres
assez bien conservés. Les deux principaux dont
nous avons fait une mention particulière, aux articles
sous le nom des villes où ils existent, son
ceux de Sagunle en Espagne et d’Orange dans
les Gaules. {Voyez Sagun te, Orange. ) b uQ e
l’autre, comme on peut le voir à ces articles,
nns'truit à la manière que nous avons vu avoir été
Mie des théâtres grecs, c’est-à-dire quon en
oratiqua la partie circulaire et les gradins dans la
cavité de la montagne, où on les adossa. Il iau-
droit réunir ces deux restes d’antiquité pour en
former un tout, la partie la mieux conservée du
théâtre de Sagunte étant le théâtre, proprement
dit, ou les gradins, et la scène de celui «TOrange
présentant encore tous les témoignages propres a
en faire retrouver l ’entière disposition.
Ce seroit sans doute un fort beau sujet de recherches
pour l’art, et pour l’antiquité, qu un
recueil qui embrasseroit la notice exacte de tout
ce qui reste de vestiges des théâtres antiques en
Grèce, ou dans les pays spumis à la domination
romaine, et les dessins de tous ceux de ces mo-
numens dont les ouvrages des voyageurs contiennent
déjà les plans, les vues et les descriptions.
De pareilles recherches, objet d’un long temps
et d’un travail très-étendu, auroient été sans aucune
proportion avec la mesure don article de
dictionnaire. Nous bornerons donc celui-ci a cet
aperçu général et abrégé, autant qu’il a été possible*,
des nombreuses notions qu’embrasse le
sujet, renvoyant d’ailleurs à tous les articles de
detail, où les diverses parties du théâtre anli-
aue trouvent leur explication. Nous allons^ passer
de suite , et dans le même système, à 1 exposé
succinct des notions relatives au théâtre mo-,
j derne.7 ^
DU THEATRE CHEZ LES MODERNES.
Le goût du théâtre et l’habitude des plaisirs
! et des jeux de la scène, s’étoieuçt- tellement enrà-
| cinés chez tous les peuples de l’antiquité, que
long-temps encore après l’établissement du christianisme
, rien ne sembloit en avoir diminué le
Il seroit difficile de fixer avec précision l’époque
de l’entier abandon des spectacles payens ;
mais on ne sauroit douter que cet abandon n ait
été la cause la pins active de l’état de ruine, dans
lequel nous sont parvenus des monumens, qui,
déchus de leur emploi, et ne pouvant plus être
appliqués à aucune destination utile, durent^ devenir
besoin et la passion. Le paganisme etoit tombé ou
tomboit de toute part en ruine, un grand nombre
de temples étoient on déserts ou ruinés, et les
théâtres étoient toujours debout en continuant
j de rassembler la multitude. Leur destruction fut
la dernière des victoires, obtenues par la religion
chrétienne. Les Pères de l’Eglise durent lutter
I long-temps contre le penchant, qui entrainoit
encore les premiers chrétiens mal affermis dans I leurs croyances, à partager des plaisirs quiétoienl
'des fêles publiques, et dont ils ne senlüient point
les dangereuses conséquences. Mais les clieis de
I l’Église naissante y voyorent d’abord le ^danger
I d’une fréquentation avec les payons, qui éloit un
objet de scandale et de chuté, et puis ils ne pou-
voiént se dissimuler que le plus grand nombre des
pièces de théâtre, remplies des souvenirs et dès
images des fausses divinités, nétoient propres
qu’à en perpétuer l’existence dans l’esprit des peu- I pies. Aussi continuèrent-ils leurs attaques contre
U fréquentation du théâtre| jusqu’à ce que le
I ckrislianisuie lé? eût entièrement détruits,
des espèces de carrières, dont on exploita a
l’envi les matériaux.
Il ne sauroit appartenir au sujet, le seul que
comporte cet article, de rechercher ce que purent
être, dans le moyen âge, les inventions
scéniques, quel aliment nouveau en réveilla le
goût, quelle sphère nouvelle de sujets s’onvrit
aux affections publiques, ni quels lieux devinrent
les théâtres des compositions , que l’esprit de ces
temps ofïroit à une pieuse curiosité.
Nous nous hâtons d’arriver à cette époque du
renouvellement de tous les beaux arts en Italie,
où l’on vit renaître alors , sans aucun danger
pour la religion chrétienne, et remettre en honneur
tous les restes et toutes les traditions de l’antiquité
profane. Le goût dramatique se réveilla, et
comme dans les autres parties de la littérature , il
se calqua d’abord, si l’on peut dire,^ plutôt qu’il ne
se régla, sur les modèles de la scène grecque et
latine. Dans un temps où les langues modernes
n’avoient pas encore osé rivaliser avec les idiomes
d’Athènes etdeRome, très-naturellement on ne dut
aussi concevoir d’autres formes, pour les représentations
dramatiques, que celles dont les restes des
théâtres romains avoient conserve l’image. Aussi
vit-on les premiers drames italiens, joués sur de
vastes espaces. Tel avoit été, dans une des extrémités
de la grande cour du Vatican, un grand
amphithéâtre en pierres, construit par Bramante,
pour la représentation des pièces italiennes, où
Je goût moderne préludoit au succès d un genre de
plaisir, qui devoit bientôt se répandre chez toutes
Les nations.
Tant que ce plaisir fut concentré dans le petit
nombre des gens instruits, ou de quelques sociétés
choisies, qui se plaisoient à en faire les
frais on vit renaître en Italie quelques répétitions
fort exactes du théâtre antique considéré
dans sa construclioii, sa forme et sa disposition
intérieure. Le pins notable exemple de celle imitation
, et qui s’est conservé en entier jusqu’à nos
jours, est celui du théâtre olympique de ViGence,
bâti par Palladio , dont nous avons rendu compte
fort au long à la vie de cet architecte {voyez P a l l
a d io ) : on peut y voir avec quel scrupule il se
conforma, dans ce bel ouvrage , à toutes les pratiques
del’antiquité. Long-temps il servit aux exercices
dramatiques de la société olympique qui en
avoit fait la dépense. Mais il n’est plus guère aujourd’hui,
pour cette ville, qu’un monument précieux
du talent de son célèbre citoyen, et un
souvenir du goût régnant dans un siècle, où tout
Goo 2