
'47 8 T H É
qu’on exécuta, monument qui, depuis, a subi
des cliangemens de plus d’un genre. Après deux in-
.cendies qui ont. consumé son .intérieur, sa salle a été
rétablie avec assez de luxe et de dépense, et on le
désigne aujourd’hui sous le nom d'Odéon. La partie
extérieure de ce théâtre , bâti en pierre, qui a
survécu aux deux incendies dont on a parlé, n a
éprouvé aucun changement. C’est encore , sous le
point de vue de l’architecture et des convenances
modernes, le seul théâtre de Paris, que l’on puisse
.citer comme méritant le titre de monument. Ses
abords, la régularité de la place où il est situé, et
des rues qui y correspondent, son isolement surtout
, ce qui est rare dans une ville aussi serrée
que Paris, en recommandent l’aspect, et sous les j
rapports de commodité du service, ainsi que de facilité
de la circulation, aucun autre n’en approche.
Entouré de trois côtés par des galeries
couvertes ou promenoirs publics, il offre des
abris contre les intempéries'des saisons, et les embarras
que produit l’affluence du monde et des
voitures. Son frontispice est décoré d un portique
de huit colonnes doriques, au-dessus desquelles
règne une terrasse, De chaque côté a été pratiquée
une arcade, qui liô le bâtiment aux maisons
voisines, et dont l’objet est de donner une place
couverte, à ceux qui descendent de voitures ou
qui y remontent. On trouve encore a louer dans
ce plan, le vestibule, les grands escaliers qui y
aboutissent, et le foyer.
Il est assez surprenant que l’idéexne soit encore
venue à aucun architecte, dans la const? action
dispendieuse de quelques-uns de ces édifices
modernes, de cherchera concilier la forme extérieure
du théâtre antique, avec les convenances
du théâtre moderne. Je veux dire la forme circulaire
, qui est le véritable type élémentaire du
théâtre, en tant que lieu de rassemblement d’hommes
pour assister à un spectacle. Cette considération
touche particulièrement à une qualité très«
précieuse en architecture, celle qu’on appelle le
caractère. Rien de plus désirable en général,
pour tous les genres d'édifices, que d’avoir un
lype constant, qui donnant a chacun d eux une
physionomie distincte, les fasse reconnoîlre au
dehors pour ce qu’ils sont, apprenne au spectateur
leur destination, et établisse ainsi entr’eux comme
dans les oeuvres de la nature, ce charme de variété
dont l’oeil et le goût éprouvent te besoin. Tel
fut, comme on l’a dit ailleurs {voyez Caractère),
l’esprit de l’architecture antique , et tel fut l’avantage
de ses principaux monumens, qu’aucun ne
peut être confondu avec un autre. Remploi necessaire
de chacun , ayant dicté la forme qui lui
étoit le plus convenable, 1 art s en empara, la
rendit fixe, et lui imprima comme' une sorte de
signe caractéristique, qui de plus en plus consa-r
cré par l’usage, finit pai; devenir immuable.
Dans l’état actuel de nos sociétés, de nos moeurs
et de nos arts, ils e voit fort difficile de rétablir
T H É
cette espèce de langage architectural. Tant de
causés oht produit le besoin de diversité, et tant
d’autres s’opposeraient à cette simplicité d’idées
et d’usages, d’où peut naître le système caractéristique
dont on parle , qu’il seroit impossible d’y
ramener l’architecture , dans le grand nombre des
édifices publics. Aussi voit-on les architectes appliquer
à presque tous, les mêmes frontispices, les
mêmes ordonnances, les mêmes masses, les mêtoes
motifs d’oroemeot et de décoration extérieure j en
sorte qu’il seroit facile de faire servir, sans grande
i inconvenance, fa masse extérieure de beaucoup
; de monumens, à des destinations extrêmement di-
! verses. C’est surtout à la forme générale qu’il appartient
de rendre sensible le caractère dont on I
parle, et il nous paraît que cette indication exl&-
rieure de la destination du théâtre chez les Anciens,
s’appliqneroit facilement au théâtre moderne.
La partie du monument qui jadis se termi-
noit en ligne droite, et recevoit, comme on l’a
vu, un promenoir en colonnes, seroit encore aujourd’hui
la place d’ttn beau frontispice, et les galeries
en portiques couverts de la partie environnante,
non-seulement pourroient, mais devraient
être l’accompagnement obligé de tous les lieux
qui , comme les théâtres, rassemblent un grand
nombre de personnes.
Ces observations critiques s’adressent, comme
l’on voit, moins aux artistes , qu’à l’esprit actuel
des arts, et à l’habitude d’employer l'architecture,
ses formes et ses ordonnances, comme un luxe
d’ornemens arbitraires, et qui peuvent également
convenir à tout. Or, dès que l’arehiteciure de
chaque'édifice ne repose plus sur les élémens nécessaires
d’un besoin quelconque , il est fort naturel
que l’architecte use souvent de ses ressources,
plutôt à son gré, au profit de l’honneur qui peut
lui en revenir, qu’en vue d’aucune autre raison,
Or, on ne nie pas, qu’abstraction faite de celle
théorie du caractère propre de chaque édifice, et
de celui qui appartiendrait aux théâtres} on naît I
pu produire desouvrages d’un fort grand roéyile,
d’uné invention très-remarquable, d’une compo-1
sinon fort riche, En têfe de ces ouvrages, il faut I
citer avec beaucoup d’éloges le grand théâtre^ de
Berlin , exécuté dernièrement en pierre à l’extérieur,
avec grandeur et magnificence, pat'
M, Schinckel, ^ j I
Cet édifice l’emporte incontestablement sous le I
rapport de l’architecture, de la conception de
l’ensemble , et de la belle exécution, sur tout ce
que l’on peut voir ailleurs, Un très^grand et tres-
beau péristyle, composé de huit colonnes d’ordre
, ionique, orne la façade antérieure du monument,
; et s’élève avec beaucoup de majesté au-dessus
d’une montée de trente degrés. Les proposons
de cette ordonnance, le style du chapiteau i a |
formé du fronton et les sculptures de son tympan,
tout y rappelle ce que l’architecture grecque
des meilleur? temps a produit fie plus parc
T H Ë T H h MO
3c plus élégant. „Ce péristyle se détache comme
yant-corps sur la masse de 1 édifice , dont 1 élévation
variée , ainsi que son plan , se compose
cl’uu corps principal avec deux ailes en retraite.
Au milieu de cette masse s’en s’élève une autre ,
qoi offre une toiture séparée , et aussi- sur le
devaDt un fronton. On comprend que l’architecte
a fait ainsi ce second étage de construction, pour
donner au service intérieur des décorations, la
hauteur que nécessite le jeu des machines, sans
avoir recours, comme on le voit au théâtre de
Paris (appelé aujourd’hui l'Odéon) , à une procédé
de comble et de toiture désagréable, et qui
rapetisse l’effèude l’architecture, sans ajouter à
sa dimension. ,
Sans doute le plan, et l’ensemble de ce tres-bel
édifice que nous ne saurions faire apprécier,
comme il le mériterait, par une description aussi
abrégée, ne présentent en aucune façon l’idée ni la
forme du théâtre antique. Toutefois, maigre le
voeu que nous avons exprimé , de voir les architectes
se rapprocher, le plus quil sera possible,
de la forme extérieure et du type que la nature
avoit indiqués aux Grecs, nous devons reconnoi-
tre, qu’outre les cbangemens, que de nouveaux
usages ont introduits, il peut encore être, dans
plus d’un cas, impossible de réaliser cette imitation
de l’antiquité. Un de ces cas est celui, où le
théâtre unique et principal dune grande ville,
doit réunir dans- son enceinte plusieurs destinations,
qui chacune comporteraient un local spécial
et particulier. Il arrive quelquefois que cet
édifice est tenu de renfermer-, outre la salle de
spectacle, une salle de bal, une salle de concert,
des locaux destinés à divers plaisirs ou divertis-
semens. Or,.c’est vraiment là ce que le théâtre de
Berlin a~été obligé de comprendre dans son plan.
La chose ainsi expliquée, peut-être doit-on savoir
gré, au contraire, à l’architecte d avoir formé de
toutes ces parties obligées , un ensemble varie si
l’on veut, mais ramené avec beaucoup d’habileté,
à l’unité d’un plan fort régulier.
Or, on ne saurait s’empêcher d’y louer beaucoup
d’intelligence de distribution, et plus d’une
sorle de ressource ingénieuse. Telle est, pour en
citer une, celle de la manière dont l’architecte a
imaginé de faire arriver les voitures à ^ouvert,
sans embarras, et sans aucune incommodité pour
les gens de .pied. On a parlé de cette montée
composée de trente degrés, servant de stylobate
au péristyle , et correspondant au très-beau soubassement
qui règne tout à l’entour de l’édifice.
C’est précisément sous ce stylobate antérieur,
qu’ont été ménagées deux issues, l’une pour l’entrée
, l’autre pour la sortie des voilures] les personnes
qui y sont ainsi introduites sous un portique
couvert, ont. un accès particulier vers la
salle, et toutes les parties intérieures du monument.
Ce qu’on doit dire encore à l’avantage de son
architecture,c’est que tous les détails en sont traités
grandement, et d’un style qui ne permet aucune
confusion avec les habitations et les palais.
Les fenêtres nombreuses dontl édifice est percé, ont
une forme monumentale, et leurs trumeaux consistent
en petites colonnes quadrangulaires , avec
un chapiteau dorique.
Ayant résolu de ne traiter l’article T h é â t r e ,
que sous le rapport tout-à-iait spécial et exclusif
de l’architecture, nous ne saurions nous engager
dans aucun détail, sur tout ce que comporterait
l’analyse de la salle de spectacle, renfermée dans
le monument de Berlin. Nous nous sommes aussi,
dispensés de toute description semblable, à l’é-
.. gard des autres théâtres. D’abord, le lecteur comprendra
, que rien n’engageroit à plus de notions'
minutieuses, souvent peu intelligibles, et presque
toujours étrangères à l’ar t, vu le système de
construction postiche des loges, vu l’extrême diversité
des ornemens arbitraires qu’on y prodigue,
vu le manque de solidité de la plupart des matériaux
qu’on y emploie. Ajoutons encore, que
presque tous les ouvrages de l’art moderne, en ce
genre, ayant été de simples ouvrages de charpente
ei de menuiserie, revêtus d’ornemens temporaires
, aucun n’a pu durer assez long-temps
pour servir de modèle à d’autres. De la est résulte,
que rien de fixe ni de déterminé n’a pu s’établir,
sur la base toujours mobile et inconsistante des
convenances locales] tellement qu’on n’indiquerait
pas deux salles de spectacle construites, et
décorées selon un système uniforme. Il n’y a d’uniforme
en ce genre , que la diversité.
Nous aurions désiré pouvoir réduire i c i , à quelques
points regardés comme convenus, les théories
qu’ont données , sur la construction des salles
de spectacle, diiïérens auteurs. Mais il est visible,
que chaque pays, chaque localité, chaque genre
de spectacle, chaque mode dramatique, chaque
habitude de société, chaque manière d’envisager
Tes plaisirs de la scène, selon les moeurs, les opinions
et les goûts de ceux qui y prennent part,
que bien d’autres causes encore, ont dû influer
très-diversement sur les méthodes des théoriciens.
,11 est sensible que ces causes, trop nombreuses
pour être mises d’accord entr’efles , n’ont dû produire,
de la part de ceux qui ont tenté d’en ramener
l’effet à un système général, et à une loi
commune, que des théories partielles eL des règles
locales. _
Cependant, pour ne pas terminer cet article,
sans toucher quelques-unes des notions qui peuvent
être généralement appliquées à la meilleure
construction de l’intérieur d’une salle de spectacle
en bois , nous allons parcouiir brièvement les
points principaux de ce sujet, sous quelques-uns
de ses rapports les plus importans d’utilité, de
convenance et de goût. ' , . !
S o u s l e r a p p o r t d ’ u t i l i t é , l e s f i e u x p o in t s l e s p lu s -
essentiels (eu dégageant ce sujet de toutes les