
savoir et à son amitié , les encouragemens qui lui
facilitèrent les moyens de faire de rapides pro-
grès; e t, par exemple, on voit qu’il fit, avec son .
zélé protecteur, trois fois le voyage de Rome.
Palladio ne tarda point à s’apercevoir de l ’in.- j
suffisance des études restreintes aux écrits de Vi- J-
tna-ve, de Léon-Baptiste Alberti et des autres ;
maîtres, ses devanciers. I l se livra en entier à ;
l ’exploration des monumens antiques, mais non !
point superficiellement, comme ceux qui ne veu- j
lent qu’en copier les oeuvres. L u i, il voulut les •
imiter dans leurs- raisons et leurs principes , dans |i
leurs détails et leur ensemble. Non qontent de re- ;
lever les parties des édifices ruinés que le temps a ■
épargnées, il interrogea leurs fondations» et re- .
composant, d’après leurs fragmens , ces restes •
mutilés, il fut des premiers à redonner , dans de !
savantes restaurations , l’idée- complète de leur
état primitif.
Une lettre de Trissino, en date de i 547 > n0ï,s 1
apprend que celte même année Palladio.} âgé de
vingt-neuf ans, revint se fixer dans sa, patrie,
qu’il devoit enrichir des dépouilles de Rome- On
est assez d’accord qu’il eut quelque part^ dans la
construction du palais ou hotel-de-villn dUdine ,
commencé par Jean Fontana : d.u moin&Temanza,
bon juge en cette matière , assure que le goût, de
Palladio y est écrit sur plus d’un endroit en car
pactères fort lisibles.
Mais une plus grande entreprise devoit bientôt
donner l’essor à. son talent: nous voulons parler
de ce qu’on ,appelle la Basilique de Vicenc.e9 ancienne
construction, dans le goût qu on nomme tu-
desque ou gothique en Italie. C’est une vaste salle,
jadis aussi environnée de portiques-, où il paroit
qu’on rendoit la justice , et qui fut:, sans doute ,
une tradition des anciennes basiliques chez les .
Romains. Le laps des siècles et divers accidens
l ’avoient réduite à un état ruineux, et dès le quinzième
siècle , on avait fait,, surtout aux portiques
extérieurs, de graves réparations qui n?abontirent
qu’à retarder les progrès du mal. Il devint si menaçant,
que plusieurs architectes furent consultés
pour trouver le meilleur moyen de conserver au
moins le corps de bâtiment ou la grande salle, en
lui donnant pour contre-forts de nouveaux portiques
extérieurs. Jules Romain , alors fixé.à Maq-
toue, donna un projet de cette restauration , mais
celui de Palladio obtint un plus-grand nombre
de suffrages; il eut la préférence.
Rien de plus difficile en architecture , que de
raccorder à un reste de bâtiment obligé, un ensemble
nouveau , qui ne paroisse point un hors-
d’oeuvre disparate, et où rien ne fasse sentir la.
gêne imposée à l’artiste. Ce fut certainement un
coup de maître detla part de Palladio y d avoir
appliqué au support de cette ancienne construction,
une ordonnance de portiques si.bien en
rapport avec elle , que personne ne soupçonneront
que ce fût un édifiée dû à des temps, si divers et à
des styles si étrangers Pun à l’autre. L ’architecte
imagina d’élever tout à l’entour deux rangs de galeries,
dont l ’inférieur a un ordre dorique , et le
supérieur est orné d’iin ionique. Ces colonnes,
tant celles d’en haut que celles d’en bas , sont
adosséés à des piédroits , et séparées par des arcades
, dont la retombée porte sur de petites colonnes
isolées. L’entablement dorique est orné de
triglyphcs et de métopes. L’ionique supporte
une balustrade servant d’appui à une terrasse qui
règne dans tout le pourtour, et au-dessus de laquelle
s’élève comme une espèce d’attique orné
de pilastres , percé de jours circulaires, qui sont
de l’ancienne construction, et répandent la lumière
dans l’intérieur de la salle. Il faut examiner
le plan et les coupes de tout le monument
dans son état a â u e l, pour pouvoir se rendre
compte de l’intelligence avec laquelle Palladio
a su établir la plus exacte correspondance, entre
les colonnes de sa nouvelle ordonnance extérieure
, et les piliers gothiques de l’intérieur. La
beauté d e là pierre, la pureté de l’exécution, la
finesse et la correction des détails ajoutèrent un
prix nouveau à cette entreprise. Voyez au mot
B a s il iq u e m o d e r n e , une plus ample description
dfe.ce monument-.
La réputation qu’elle lui acquit lui valut l ’honneur
d’être appelé à Rome, où il1 retourna pour
la quatrième fois. Tl s’agissoit dé concourir aux
projets de la nouvelle basilique de Saint-Pierre ,
mais le pape Paul III mourut avant son arrivée.
Trissino l ’avoit recommandé au pontife pour succéder
à San-Gallo , et Trissino mourut aussi bientôt
après. Cèpendant Palladio sut mettre a profit
ce nouveau séjour à Rome. Il se mit à mesurer
encore, à revoir et à redessiner le plus grand
nombre des édifices antiques, tels que théâtres,
amphithéâtres, arcs de triomphe , temples., tombeaux,
thermes, elo. Il est à- croire que ce fut
aussi alors qu’il eut l’occasion de faire exécuter,
à Rome, quelques projets de;son invention , a
moins qu’on ne les rapporte à un autre voyage.;
car Rome le vit cinq fois , et toujours occupé de
ses antiquités.
C’est à ces éludes réitérées qu’il dut de publier,
en i 554, un petit ouvrage sur les monumens antiques,
qui, bien qu’.as&ez abrégé, fut reçu avec
applaudissement*,, et réimprimé , tant à Rome
quà Venise,
De retour , et définitivement fixé, dans sa. patrie
, Palladio commença à y jouir d’une réputation
exclusive. C’étoit à qui auroit un palais, de
ville ou de campagne exécuté sur ses dessins; et
ici commenceroit, si l ’étendue de cet article le
permettoit, la description de cette nombreuse série
d’édifices si variés dans leurs plans et leurs élévations
, si ingénieux dans leur composition, si élé-
gans et d’un goût si exquis, dont les villes et les
campagnes de l’Etat vénitien nous offrent le, recueil
»
Mais comment faire connoître par le discours ,
des beautés sur, lesquelles le discours n a aucune
prise? Une nouvelle difficulté est venue se joindre
à celles que de semblables descriptions font
éprouver à l’écrivain. En effet, le plus grand
nombre des ouvrages de Palladio , comme o n ia
d it, fut exécuté pour les demeures de riches particuliers
, de familles opulentes et illustres, dans
leur pays. Or , par quel nom désigner aujourd hui
la plupart de ces élégans palais , de ces charmantes
maisons de campagne , qui, par 1 effet des
révolutions et du temps, ont changé de proprietaires?
Il en faudroit aujourd’hui une description
nouvelle, ou pour mieux dire , il faudroit faire
une nouvelle oeuvre de Palladio 3 ou chacun de
ses ouvrages seroit désigné par le nom de la ville,
de la rue, de la campagne, .où il existe. L ancienne
nomenclature ne peut presque plus nous
servir. t ... ’
Au lieu donc d’en suivre les notions , telles qu£
les donnent les biographies , sous leurs anciens
noms, nous allons nous contenter de classer les
palais de ville et de campagne de Palladio , sous
le seul rapport des variétés de leur architecture.
On peut affirmer qu’il y a épuisé presque toutes
les combinaisons que les diversités des ordres
grecs, leurs nombreuses applications aux formes
et aux besoins de la construction , les procédés
de l’art de bâtir, l’emploi de tous les types , de
tous les matériaux , peuvent fournir au génie in-
'ventif de l’architëcle. .. . , —
Dans les palais de v ille , Palladio sut reunir
avec beaucoup de propriété l’usage des portiques
et l ’emploi des ordres de colonnes. Volontiers le
rez-de-chausséé de ses édifices se compose d arcades
quelquefois simples et sans bandeau ,
comme on le voit au palais qu on croit a von
été construit par lui pour 'Trissino, ou des niches
carrées sont percées dans le massif des piédroits,
lfersqu’au-dessus d’autres petites niches
circulaires renferment des bustes. D ’autres fois ses
orùques servent de soubassement rustique à
étage supérieur ou à l’ordonnance qui le décoré.
Personne n’a employé avec plus de reserve et
dï'légânçe à la fois , le genre rustique. Les bossages
sont dans l’heureux emploi que l’architecte'
suit en faire, ce que , dans la peinture, sont les
ombres et les moyens d’oppoàition , qui résult.eni
de la diversité des. tons et des couleurs. Tel est
l’effet des matériaux rustiques , dans l’ensemble
des devantures ou des façades dès palais ; en
même temps qu’ ils servent à fixer par le^ plus ou
le moins de force et de saillant quon leur
donne., le caractère plus ou moins grave de l’ordonnance
, ils forment un contraste plus ou moins
sensible,avec ce qui lès environne. Mais ils ont
surtout l’avantage de donner un grand air de so-
, lidité à là. bâtisse. Palladio ne porta point ,
comme on l’avoit fait avant lui à Florence ,1 abus
du bossage à cet éxcès qui semble né devoir convenir
qu’à dcÿ murs de forteresses ou de prisons.
U sut en varier avec goût les compartimens, ü
sut en tempérer l’austérité par des nuances é-
gères , et par un accord si bien raisonne entre les
vides et les.pleins, entre la masse générale et ses
détails, que l’oeil trouve dans ces variétés un agrément
d'autant plus v i f , que le genre sembloil le
moins devoir s’y prêter. . . . .r
Tejle est l’impression que produit le magmb-
que palais, connu sous le nom de Tiene. Palladio
lui-même , en nous apprenant qu’il avoit disposé
le côté de ce palais regardant la place , de
manière à admettre des boutiques , qui ont dans
le cintre des arcades, un entre-sol, nous tait
peut-être entendre que ce motif put le porter a
donner un caractère massif à ce soubassement.
L’étage principal ayant onze croisées de face dans
chacun de ses quatre côtés , est orné de pilastres
corinthiens , accouplés aux angles ou sur quelques
trumeaux plus larges, isolés sur tous, les antres ,
ët se détachant sur un mur découpé de simples
refends. Les fenêtres sont à frontons alternative-
[ méat angulaires et circulaires, portées par de petites
colonnes entrecoupées de bossages , lesquels,
avec les claveaux également en saillie de la plate-
bande des croisées, rappellent le style du soubassement.
. . .
Il est , sans doute, à regretter qu un aussi LeL
ensemble n’ait pas reçu son entière exécution. On
ne s’en forme l’idée générale que dans le grand
Recueil des CËuvres de Palladio y publié à Vi-
! cénce, en 1780. ,, ; v
Palladio y dans son Traité dArchitèctute y o\x
il traite également des édifices de l’antiquité, s est
souvent permis de produire les dessins des siens
propres, comme exemples d’autant mieux laits
pour expliquer Vitruve, que nourri de tous les
modèles des ruines de Rome et d’autres pays , ce
fut souvent à l’instar des fabriques antiques , quil
imagina , composa et distribua les palais dont
il étoit chargé. . , * ...
Ainsi le voyons-nous dans le palais qu il natrt
à Vicence , pour un seigneur de cette v ille , qu il
nommé Joseph de’ Porti } en établir le plan de
la manière la plus symétrique , sur un terrain q u i,
faisant face à deux rues , Ijii donna lieu ,de répé-
■ ter d’ un côté comme de l’autre, et la meme dis-
tribùtion intérieure, et la même élévation exté-
I rieure. Ce sont comme deux maisons sembla-
; blés , réunies par une seule et même cour. Celle
de devant y d it- il, est à l’ usage du maître , celle
de derrière sera pour les étrangers , selon la pratique
des maisons. grecques y qui avoient ainsi
, dèux corps-de-logis distincts. Ce double palais se
compose d’un rez-de-chaussee a arcades et eu
bossages peu ressentis, formant le soubassement
d’une ordonnance de colonnes ioniques, qui séparent
les sept fenêtres de la façade. Au-dessus
s’élève un atlique, percé d’autant de petites fé-
neti'Ç3 entrées, dont les trumeaux sorit occupes