
ment à partir de cette époque, qu’on voit les
carrières de tous les pays s’épuiser pour satisfaire
le luxe des palais.
De la même époque date aussi cette habitation de
l'Empereur , qui, bâtie s.ur le mont Palatin , donna
par la suite le nom de palatium {palais) aux demeures
des rois et des grands. On continua
toutefois d’appeler domus les plus magnifiques
constructions de ce genre3 témoin la maison d’or
( domus aurea ) de Néron, dont il reste encore
des vestiges dans quelques ruines, mais tellement
incohérentes entr’elles, qu’on ne saurait y retrouver
l’idée de leur ensemble.
Les constructions destinées aux habitations , de.
quelque genre quelles aient été , sont au milieu
de toutes les ruines antiques , celles dont il s’est
conservé le moins de vestiges reçonnoisables..- La
raison en est que, d’une part, elles reçurent moins
de solidité que les monumens publics, et.d’autre
.part , elles durent subir de bien plus grands et
plus faciles cbangemens. Les révolutions qui amènent
après elles et de nouveaux besoins et de nouveaux
usages chez les peuples qui se succèdent,
font éprouver aux habitations une action bien
plus destructive. Les matériaux des maisons et
des palais deviennent des carrières où d’autres
liabitans trouvent à s’approvisionner. Aussi voit-
on, soit dans, les sociétés croissantes, soit dans
celles qui décroissent, les anciennes bâtisses, servir
à la construction ou de plus yas.tes demeures
ou de plus chétives. Ainsi disparaissent aujourd
’hui tous ces châteaux qui furent l’orgueil de leur
temps, et leurs matériaux paient le. prix des bâ-
timens qui leur succèdent.
Combien de fois, dans l’espace de tant de siècles
, le même agent de destruction n’a-tril pas
du s’exercer sur les palais des Grecs et des Romains
! A peine reste-t-il le souvenir de la place
jadis occupée par ce célèbre palais de Mausole ,
à Halicarnasse, dont Vitruve s’est plu à faire une
mention expresse. Il seroit, comme on l ’a dit,
impossible de faire sortir des .nombreuses ruines ;
de Rome , . l’idée, tant soit peu vraisemblable du
plan d’un seul de s es palais, encore moins de leur
élévation. L’ensemble de ruines le plus considérable
et tout à la fois le plus authentique d’une de
ces grandes constructions , est certainement celui
qu’on appelle à Tivoli la villa Adriana. Nonobstant
le nom, qui sembleroit n’avoir du. convenir
, qu’à une maison^de campagne, ce fut un des plus
. grands palais qu’il y ait eu. Cependant ce vaste
champ de ruines n’offre aussi qu’un vaste champ
aux conjectures de l’architecte, qui essaie d’en
coordonner les parties. Et puis ce qui manque à
ce palais y comme à tant d’autres , c’est la forme
et le système de son élévation , sans laquelle l’imagination
ne peut rien saisir de positif, et ne
peut embrasser l’aspect des masses constituantes ,
. du caractère général, de l’efiet et de l’harmonie
d’un palais<
Deux circonstances ont contribué à sauver de la
loi générale de destruction dont on vient de parcourir
les effets, un seul et vaste palais antique ,
celui de Dioclétien à Spalatro , jadis Spalatum,
nom qu’on croit formé de palatium ( palais ). Il
fut bâti dans celte ville vers le commencement
du quatrième siècle, par cet Empereur, qui en
avoit un autre à une lieue delà , c’est-à-dire., à
Salone , où il s’étoit retiré. On voit d’abord , par
la date de cette construction , qu’elle est une des
dernières de ce qu’on peut appeler l'architecture
antique. Mais il n’est pas moins . sensible que
cette énorme masse de bâtimens ne trouva point,
dans celte petite péninsule de la Dalmatie , où
elle resta long-temps cachée , ce mouvement
d’une grande population qui , en bâtissant ou
rebâtissant d’immenses cités, doit finir, surtout
dans des siècles d’indifférence pour les arts , par
mettre à contribution tous les matériaux des bâtisses
que de nouvelles moeurs ont rendus inutiles..
Encore l ’état même de ces restes de palais
est-ii une preuve de ce qu’on vient d’annoncer.
Si nous écoulons les plaintes des voyageurs à cet
égard, elles ne nous confirment que trop l’effet
du priucipe destructeur dont on parle. Quoiqu’il
subsiste encore à Spalatro (dit le dernier
de ceux qui l ’ont visité ) un nombre prodigieux
de vestiges de ce magnifique palais, de Dioclétien,
l ’un des plus grands fragmens d’antiquité
qui nous soient parvenus , il est impossible de ne
pas regretter que l ’on se soit permis de construire
des bâti mens modernes dans l ’intérieur de ce palais.
Outre que cela nuit infiniment aux recher-
ches qui conduiraient à déterminer d’une manière
exacte son ancienne et première distribution, il
faut dire encore que de superbes matériaux ont
été dénaturés pour servir à des bâtimens modernes.
L’avarice , l’ignorance, et des intérêts parti-?
culiers ont hâté la ruine de monumens qui au—
roient p u , pendant bien des siècles encore, captiver
l ’admiration , et servir à l’élude de l’histoire
des arts. Les habitans de Spalatro ne se sont pas
contentés de dépouiller le palais de Dioclétien ,
ils ont encore été ravir ce que les ruines de Salone
possédoient de plus beau , bien moins pour décorer
que pour bâtir des clochers, des maisons, et
même de simples murs de clôture.
Ce qui reste toutefois de cette grande, construction
a cela de particulier et qui en fait le
prix , qu’il existe de chaque partie de l ’ensemble
assez, non-seulement pour en relever le plan, mais
pour en figurer encore l’élévation. On peut en
jouir à peu près dans son entier, en considérant
sa façade principale., c’est-à-dire , celle qui regarde
la mer, et que décorait une colonnade à
peu près toute conservée, puisque, de cinquante
colonnes qui la composoient, il en reste encore
quarante-deux, formant un long portique en arcades
, dans la longueur desquelles s’étendoit une
i galerie qui donnoit entrée dans cet intérieur*
Beaucoup de parties et de masses de l’élévation
permettent de se faire une juste idée des proportions
et du tout , des fenêtres , des ouvertures et
des couvertures , et il n’y manque aucun des détails
propres à en restituer l’ensemble. Mais on en
réserve la description à l’article Sp al at r o . Voy.
ce mot.
Il seroit maintenant difficile de suivre par quel-
qu’indieation formelle des monumens, l’histoire
abrégée du goût et de la disposition des palais
dans cette nuit des arts, qu’on appelle du nom de
moyen âge sans avoir recours aux notions du
genre gothique et des châteaux, dont à peine il
reste des fragmens ou des traditions confuses.
On seroit obligé de franchir un assez grand
nombre de siècles pour arriver en Italie , par
exemple, au palais ducal de Venise , dont toutefois
le goût diffère encore sensiblement de celui
de'nos châteaux construits sous le règne du régime
féodal. L’Italie 11’eut pas à beaucoup près,
dans ce. temps, le même système que le reste de
l’Europe j la féodalité n’y poussa point des racines
aussi profondes et né s’y étendit pas sous les
mêmes formes. On ne vit pas ce pays hérissé de
châteaux forts, dont les seigneurs , en guerre
avec leurs voisins et leurs souverains, habitoient
des bastions au lieu de palais_, et retranchés derrière
leurs fossés et leurs ponts-levis , n’avoient
guère à s’occuper de la beauté intérieure ou extérieure
de leurs habitations. 11 paraît certain qu’en
Italie, le goût de l’antique architecture ne cessa jamais
entièrement, sinon de dominer, au moins
d’influer dans les édifices de tous lés âges. Trop de
modèles s’en éloient conservés, pour que le genre
gothique pût en faire disparaître la trace. Aussi
le voyons-nous 'reparaître dès les douzième et
treizième siècles. Le quatorzième el le quinzième
surtout virènt élever à Florence des palais dont
les masses et les détails rappellent les formes et
les élévations colossales des Romains. Il suffit de
nommer Bruneleschi et le célèbre palais Pitti ,
pour se convaincre qu’aucune tradition,, aucun
mélange-de la bâtisse gothique n’existoit à celte
époque.
Cette époque étoit encore celle où l ’on ne
trouvoit en France, que des châteaux qui, construits
dans le système de défense militaire alors
en usage , n’avoient aucun rapport a v e c 'l’architecture
greco-romaine, aucune ressemblance avec
ce qu’on est convenu d’appeler un palais. Ce
qu’on appela même ainsi par la suite , et jusqu’au
renouvellement du bon goût , ne fut , dans les
demeures des rois, dès princes (et des grands, que
des assemblages de tours rondes ou carrées, réunies
dans de grandes, cours $ par des corps de bâtimens
surmontés de toits fort exhaussés, ne présentant
au. dedans et au dehors que des masses de
pierres, percées d’ouvertures sans ornemens. Tel
étoit ie plan et telles étoient les élévations des
palais du Louvre et des Tuileries avant le seizième
siècle. Tel avoit été ce qu’on nomme aujourd’hui
le jValaisy dont il ne reste plus de trace
de son ancienne structure, que dans la grande tour
qu’on appelle la tour de Vhorloge et dans quelques
constructions circulaires du même genre. On.
peut encore voir des restes de cette ancienne disposition
des palais de ce- temps au château de
Vincennes, malgré les modifications nombreuses
que cet ensemble a subies. i:
Ce type des châteaux forts étoit tellement devenu
celui des palais les plus magnifiques , que
le palais de Chambord, qui fut la merveille, de
son temps, et qui fut commencé àj bâtir sous
François I er. , en i 5a3 , est encore une répétition
de la même disposition. Toujours des tours rondes,
interrompues par des corps de bâtimens flanqués
d’autres tours 3 et cependant, à l’époque
où s’élevoit ce célèbre château, l’Italie étoit déjà
couverte de palais où l’on voyoit revivre , dans
toute la régularité des formes et des ordonnances
antiques, les,masses, les détails, les proportions
de la plus belle architecture. Déjà Bruneleschi,
Léon-Batista A lb e r t i, Ammanati, Bramante,
San-Gallo , Scamozzi, avoient élevé ces palais sur
lesquels les architectes continuèrent d’aller former
leur goût. Il suffit de citer les palais du Vatican ,
d,e la Chancellerie , à Rome , le palais Farnèse ,
. le palais Strozzi, à Florence., le palais de Ca-
prarole , par Vignole. Enfin , c’est de cette époque
ou à peu près que date cette longue suite de
palais y peut-être plus élégans , dont Palladio a
donne les modèles, et qui ont si puissamment
contribué à répandre le bon goût de 1-architecture
r et à le naturaliser dans toute l’Europe. Voyez
P a l l a d io .
Ce goût ne tarda point à entrer en France : Pri-
matice, Serlioet plusieurs autres.y furent appelés,
et bientôt on vit le. Louvre changer tou!-à-fait
de forme sous le crayon de Pierre Lesçot. Enfin,
disparurent ces restes de g.o th ici té qui s’oppo-
soient à ce; qu’un palais soumis à une ordonnance
régulière reçût les formes, les colonnesles profils
de l’architecture grecque. D’essais en essais
de cbangemens en cbangemens , le Louvre est
enfin devenu un des plus, grands et des plus ma-
- gnifiques ensembles de palais que l’on puisse
c ite r , surtout depuis que , dans le siècle suivant,
Perrault eut décoré sa façade d’entrée, de cette
superbe colonnade qui lui a donné un extérieur
de magnificence, dont on ne sauroit trouver l’égal
dans aucun autre palais.
Le dix-septième sièple fut celui peut-être qui
vit s’élever ,, dans la plupart des Etats , le plus de
palais, y et. l;es plus riches et les plus somptueux.
Malheureusement le goût de l ’architecture avoit
déjà perdu de sa noblesse et dé sa simplicité et
l’amour de la variété en avoit corrompu les
formçs.
Il faut excepter cependant l’Angleterre , où
l ’école de Palladio s’étoit naturalisée. On doit re