renouvelle & fe meut par une PuifTance irréfiftible;
l ’homme, entraîné lui-même par le torrent des temps,
ne peut rien pour fa propre durée; lié par fon corps à
la matière, enveloppé dans le tourbillon des êtres, il eli
forcé de fubir la loi commune, il obéit à la même Puif-
fance, & , comme tout le refte, il naît, croît & périt.
Mais le rayon divin dont l’homme eft animé,,l’anoblit
& l’élève au deffus de tous les êtres matériels ; cette
fubftance fpirituelle, loin d’être fujette à la matière, a
le droit de la faire obéir, & quoiqu’elle ne puiffe pas
commander à la Nature entière, elle domine fur les
êtres particuliers: Dieu, fource unique de toute lumière
& de toute intelligence, régit l’Univers & les efpèces
entières avec une puiffance infinie: l’homme, qui n’a
qu’un rayon de cette intelligence, n’a de même qu’une
puiffance limitée à de petites portions de matière, &
n’efl maître que des individus.
C ’eft donc par les talens de l’efprit & non par la
force & par les autres qualités de la matière, que
i ’homme a fu fubjuguer les animaux : dans les premiers
temps ils dévoient être tous également indépendans;
l ’homme, devenu criminel & féroce, étoit peu propre
à les apprivoifer, il a fallu du temps pour les approcher,
pour les reconnoître, pour les choifir,pour les dompter,
il a fallu qu’il fût civilifé lui-même pour fàvoir
inffruire & commander, & l’empire fur les animaux,
comme tous les autres empires, n’a été fondé qu’après
la fociété.
C ’eft d’elle que l’homme tient fà puifîànce, c ’eft par
elle qu’il a perfeétionné fà raifon, exercé fon efprit &
réuni fes forces, auparavant l ’homme étoit peut-être
l’animal le plus fàuvage & le moins redoutable de tous ;
nud, fans armes & fans abri, la terre n’étoit pour lui
qu’un vafte defert peuplé de monftres, dont fonvent
il devenoit la proie; & même long-temps après, l’hif-
toire nous dit que les premiers héros n’ont été que des
deftruéleurs de bêtes,
Mais lorfqu’avec le temps l’efpèce humaine s’eft
étendue, multipliée, répandue, & qu’à la faveur des arts
& de la fociété l’homme a pû marcher en force pour
conquérir l ’Univers , il a fait reculer peu à peu les bêtes
féroces, il a purgé la terre de ces animaux gigantefques
dont nous trouvons encore les offemens énormes, il a
détruit ou réduit à un petit nombre d’individus les
efpèces voraces & nuifibles , il a oppofé les animaux
aux animaux, & fubjuguant les uns par adreffe, domptant
les autres par la force, ou les écartant par le nombre,
& les attaquant tous par des moyens raifbnnés, il eft
parvenu a fe mettre en fureté, & à établir un empire
qui n eft borné que par les lieux inacceïïibles, les foii-
tudes reculeesi les fables brûlans, les montagnes glacées,
les cavernes obfcures, qui fervent de retraites au petit-
nombre d efpeces d’animaux indomptables.-