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 toute  connoifiance,  eft  toujours  en  oppofition  avec  
 cet  autre  principe  animal  &  purement  matériel :  le  premier  
 eft  une lumière  pure  qu’accompagnent  le  calme  6c  
 la  férénité, une fource fidu taire dont émanent la fcience,  
 la  rai Ton,  la  fageffe;  l ’autre  eft  une  fauffe  lueur  qui  ne  
 Jbrille  que  par  la tempête  6c  dans l’obfcurité,  un  torrent  
 impétueux  qui  roule  6c  entraîne à  là fuite  les pallions  6c  
 les  erreurs. 
 L e   principe  animal  fe  développe  le  premier;  comme  
 il  eft  purement  matériel  &  qu’il  confifte  dans  la  
 durée des  ébranlemens 6c  le renouvellement des  impref-  
 lions  formées  dans  notre  fens  intérieur matériel  par  les  
 objets  analogues  ou  contraires  à  nos  appétits,  il  commence  
 à  agir  dès  que  le  corps  peut  fentir de  la douleur  
 ou  du  plailir,  il nous  détermine  le  premier  6c  aufti-tôt  
 que  nous  pouvons  faire ulàge  de  nos  fens.  Le  principe  
 lpirituel fe manifefte plus  tard,  il fe développe,  il fe per-  
 fcétionne  au  moyen  de  l ’éducation;  c ’eft  par  la  communication  
 des penfées  d’autrui  que l’enfant en  acquiert  
 6c  devient lui-même penfant 6c railonnable,  6c fans  cette  
 communication  il  ne  ferait  que  ftupide  ou  fantafque,  
 félon  le  degré d’inaétion  ou  d’aétivité  de fon  fens intérieur  
 matériel. 
 Confidérons  un  enfant  lorfqu’il  eft  en  liberté  &  loin  
 de  l’oeil  de  fes  maîtres,  nous  pouvons  juger  de  ce  qui  
 fe  pafle  au  dedans  de  lui  par  le  réfultat  de  fes  aérions  
 extérieures,  il  ne  penfe  ni  ne  réfléchit  à  rien,  il  fuit 
 SUR  LA  NATURE  DES  ANIMAUX.  71  
 indifféremment  toutes  les  routes  du  plaifir,  il  obéit  à  
 toutes les imprefflons des objets  extérieurs, il s’agite fans  
 raifon,  il  s’amufe,  comme  les  jeunes animaux,  à  courir,  
 à  exercer fon  corps,  il  va,  vient & revient  fans  deffein,  
 fàns projet,  il  agit fans ordre  6c fans fuite ; mais bien-tôt,  
 rappelé  par la  voix  de  ceux  qui  lui  ont  appris  à  penfer,  
 il fe compofe,  il dirige fes aérions, 6c donne  des preuves-  
 qu’il 3  confervé  les penfées  qu’on  lui  a  communiquées..  
 Le  principe  matériel  domine  donc  dans  l ’enfance,  6c  il  
 continuerait  de  dominer  &  d’agir prefque  feul  pendant  
 toute  la  v ie ,  fi  l’éducation  ne  venoit  à  développer  le  
 principe  fpirituel , 6c  à mettre  l’ame  en  exercice. 
 Il  eft  aifé,  en  rentrant  en  foi-même,  de  reconnoître  
 l’exiftence  de  ce s  deux  principes:  il  y a  des inftans dans  
 la  vie, il  y  a même  des  heures,  des  jours,  des  fàifons  
 où  nous  pouvons  juger,  non  feulement  de  la  certitude  
 de  leur exiftence,mais auffi de  leur contrariété d’aétion.  
 Je  veux  parlçr  de  ces  temps  d’ennui,  d’indolence,  de  
 dégoût,  où  nous  ne  pouvons  nous  déterminer  à  rien,  
 où nous voulons  ce  que  nous  ne  faifons  pas,  &  fàifons-  
 ce  que  nous  ne  voulons  pas;  de  cet  état  ou  de  cette-  
 maladie  à  laquelle  on  a  donné  le  nom  de  vapeurs,  état  
 où  fe  trouvent  fi  fouvent  les  hommes  oififs,  &  même  
 les  hommes  qu’aucun  travail  ne  commande.  Si  nous  
 nous  obfervons  dans  cet  état,  notre  moi- nous  paraîtra  
 divifé  en  deux  perfonnes,  dont  la  première,  qui  
 reprefente  la  fàculté  raifonnable,  blâme  ce  que  fait  la  
 fécondé  ,  mais  n’eft  pas  affez  forte  pour  s’y  oppofèr