l’occafion d'un bruit pareil il le fera lenti blelfe, atteint
ou pourfuivi: ce fentiment de peine ou cette fenfation
de douleur fe conferve dans fon fens intérieur; & lorf-
que le même bruit fe fait encore entendre, elle fe renouvelle
, St fe combinant avec l’ébranlement aétuel, elle
produit un fentiment durable, une paillon fubfiftante,
une vraie peur, l’animal fuit St fuit de toutes fes foi ces,
il fuit très-loin, il fuit long-temps, il fuit toujours, puif-
que fouvent d abandonne a jamais Ion lejour ordinaire.
La peur eft donc une palfion dont l’animal ell fuf-
ceptible, quoiqu’il n’ait pas nos craintes railonnees ou
prévues ; il en ell de même de l’horreur, de la colère,
de l’amour, quoiqu’il n’ait, ni nos averfions réfléchies,
ni nos haines durables, ni nos amitiés, confiantes. L animal
a toutes ces palfions premières; elles ne fuppofent
aucune connoilfance, aucune idée, 6t ne font fondées
que flir l’expérience du fentiment, c ’eft-à-dire, fur la
répétition des actes de douleur ou de plaifir, & le
renouvellement des lenlâtions anterieures du meme
genre. La colère, ou, Il 1 on veut, le courage naturel,
fe remarque dans les animaux qui fentent leurs forces,
c ’ell-à-dire, qui les ont éprouvées, mefurées, & trouvé
lùpérieur.es à celles des autres; la peur ell le paitage
des foibles, mais le fentiment d’amour leur appartient
à tous.
Amour! defir inné! ame de la Nature! principe iné-
puilàble d’exillence! puilfance fouveraine qui peut tout,
St contre laquelle rien ne peut, par qui tout agit, tout
refpire
refpire & tout fe renouvelle ! divine flamme ! germe de
perpétuité que l’E'ternel a répandu dans tout avec le
foufïïe de vie ! précieux fentiment qui peux feul amollir
les coeurs féroces & glacés, en les pénétrant d’une douce
chaleur! caufe première de tout bien,de toute fociété,
qui réunis fans contrainte St par tes feuls attraits les
natures làuvages &"dilperfées ! fource unique & féconde
de tout plaifir, de toute volupté! amour! pourquoi fais-
tu l’état heureux de tous les êtres St le malheur de
l ’homme !
C ’ell qu’il n’y a que le phyfique de cette palfion qui
foit bon, c’ell que, malgré ce que peuvent dire les gens
épris, le moral n’en vaut rien. Qu’efl-ce en effet que
le moral de l’amour! la vanité; vanité dans le plaifir
de la conquête, erreur qui vient de ce qu’on en fait
trop de cas; vanité dans le defir de la conferver exclu-
fivement, état malheureux qu’accompagne toujours la
jaloufie, petite palfion, fi balfe qu’on voudrait la cacher;
vanité dans la manière d’en jouir, qui fait qu’on ne multiplie
que fes gelles St fes efforts làns multiplier fes
plaifirs ; vanité dans la façon même de la perdre, on
veut rompre le premier; car fi l’on ell quitté, quelle
humiliation ! St cette humiliation fe tourne en defelpoir
lorfqu’on vient à reconnoître qu’on a été long-temps
dupe St trompé.
Les animaux ne font point fujets à toutes ces misères,
ils ne cherchent pas des plaifirs où il ne peut y en avoir;
guidés par le fentiment feul, ils ne fe trompent jamais
Tome IV . L