à ceux qui ies achettent. Les moindres jumens de cette
première claffe font de cinq cens écus, & il y en a beaucoup
qui fe vendent mille écus, & même quatre, cinq&
fix mille livres. Comme les Arabes n’ont qu’une tente
pour maifon, cette tente leur fert auffi d’écurie ; la
jurnent, le poulain , le mari, la femme & les enfans
couchent tous pêle-mêle les uns avec les autres: on
y voit les petits enfans fur le corps, fur le col de la
jument & du poulain, fans que ces animaux les blelfent
ni les incommodent ; on dirait qu’ils n’ofent fe remuer,
de peur de leur faire du mal : ces jumens font fi accoutumées
à vivre dans cette familiarité, qu’elles fouffrent
toute forte de badinage. Les Arabes ne les battent
point, ils les traitent doucement, ils parlent & raifon -
nent avec elles , ils en prennent un très-grand foin, ils
les lailfent toujours aller au pas, & ne les piquent jamais
lans nécelfite ; mais auffi des qu elles fe ientent chatouiller
le flanc avec le coin de l’étrier, elles partent
fubitement & vont d’une vîteffe incroyable, elles fautent
les haies & les foffés auffi légèrement que des
biches; & fi leur cavalier vient à tomber, elles font fi
bien dreffées, qu’elles s’arrêtent tout court, même dans
le galop le plus rapide. Tous les chevaux des Arabes
font d’une taille médiocro, fort dégagés , & pluftôt
maigres que gras ; ils les panfent foir & matin fort
régulièrement & avec tant de foin, qu’ils ne leur laif-
fent pas la moindre cralfe fur la peau ; ils leur lavent les
jambes, le crin & la queue qu’ils biffent toute longue
& qu’ils peignent rarement pour ne pas rompre le poil;
ils ne leur donnent rien à manger de tout le jour, ils leur
donnent feulement à boire deux ou trois fois, & au
coucher du foleil ils leur paffent un fac à la tête, dans
lequel il y a environ un demi-boiffeau d’orge bien net:
ces chevaux ne mangent donc que pendant la nuit, &
on ne leur ôte le fac que le lendemain matin lorfqu’ils
ont tout mangé : on les met au verd au mois de mars,
quand l’herbe eft affez grande; c’eft dans cette même
faifon que l’on fait couvrir les jumens, & on a grand loin
de leur jeter de l’eau froide fur la croupe, immédiatement
après qu’elles ont été couvertes : lorfque la faifon
du printemps eft paffée, on retire les chevaux du pâturage
, & on ne leur donne ni herbe ni foin de tout le refte
de l’année, ni même de paille que très-rarement, l’orge
eft leur unique nourriture. On ne manque pas de couper
auffi les crins aux poulains dès qu’ils ont un an ou dix-huit
mois, afin qu’ils deviennent plus touffus & plus longs;
on les monte dès l’âge de deux ans ou deux ans &
demi tout au plus tard, on ne leur met la felle & la
bride qu’à cet âge ; & tous les jours, du matin jufqu’au
foir, tous les chevaux des Arabes demeurent fellés &
bridés à la porte de la tente.
La race de ces chevaux s’eft étendue en Barbarie,
chez les Maures, & même chez les Nègres de la rivière-
de Gambie & du Sénégal, les feigneurs du pays en ont
quelques-uns qui font d’une grande beauté; au lieu
d’orge ou d’avoine on leur donne du maïs concaiïé ou
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