44-0 Histoire Naturelle
les faire naître, il femble avoir acquis le droit de fe les
immoler; mais il étend ce droit bien au-delà de fes
befoins, car indépendamment de ces efpèces qu’il s’efl
affujétics, & dont il difpofe à fon gré , il fait auffi la
guerre aux animaux fauvages, aux oifeaux, aux poiffons,
il ne fe borne pas même à ceux du climat qu il habite,
il va chercher au loin, 8c jufquau milieu des mers, de
nouveaux mets, & la Nature entière femble fuffire à
peine à fon intempérance & à l’inconftante variété de
fes appétits ; l’homme confomme, engloutit lui feu!
plus de chair que tous les animaux enfemble n’en dé->
vorent; il eft donc le plus grand deftruéteur, & c’eft
plus par abus que par néceffité; au lieu de jouir modérément
des biens'qui lui font offerts, au lieu de les
difpenfer avec équité, au lieu de reparer à mefiire qu il
détruit, de renouveler lorfqu il anéantit, 1 homme riche
met toute fa gloire à confommer, toute fa grandeur à
perdre en un jour à fa table plus de biens qu il n en
faudrait pour faire fùbfiftér plufieurs familles; il abufe
également 8c des animaux 8c des hommes, dont le
refte demeure affamé, languit dans la misère, & ne
travaille que pour fatisfaire à l’appétit immodéré 8c à
la vanité encore plus infàtiable de cet homme, qui,
détruifant les autres par la difette, fe détruit lui-meme
par Les excès.
* Cependant l’homme pourrait, comme l’animal, vivre
de végétaux; la chair qui paraît être fi analogue a la
dwir, n’eft pas une nourriture meilleure que les grainoeus
ou le pain; ce qui fait la vraie nourriture, celle qui
contribue à la nutrition, au développement, à l’ac-
croiffement & à l’entretien du corps, n’efl pas cette
matière brute qui compofe à nos yeux la texture de la
chair ou de l’herbe; mais ce font les molécules organiques
que l’une 8c l’autre contiennent, puifque le
boeuf, en paiffant l’herbe, acquiert autant de chair que
l ’homme pu que les animaux qui ne vivent que de
chair 8c de fàng: la feule différence réelle qu’il y ait
entre ces alimens, c ’eft qu’à volume égal, la chair, le
blé, les graines contiennent beaucoup plus de molécules
organiques que l’herbe, les feuilles, les racines,
■ & les autres parties des plantes, comme nous nous en
fournies affurés en obfervant les infufions de ces différentes
matières; en forte que l’homme 8c les animaux
dont l’eftomac 8c les inteftins n’ont pas affez de capacité
pour admettre un très-grand volume d’alimens,
ne pourraient pas prendre affez d’herbe pour en tirer
la quantité de molécules organiques néceflàire à leur
nutrition; & c ’efl par cette raifon que l ’homme & les
autres animaux qui n’ont qu’un eftomac ne peuvent
vivre que de chair ou de graines, qui dans un petit
volume contiennent une très-grande quantité de ces
molécules organiques nutritives, tandis que le boeuf &
les autres animaux ruminans qui ont plufieurs eftomacs,
dont l’un eft d’une très-grande capacité, & qui par
conféquent peuvent fe remplir d’un grand volume
d’herbe, en tirent affez-de molécules organiques pour
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