qui équivaut à la géométrie la plus fublime, inftinél
qu’on leur a nouvellement accordé, par lequel les
abeilles refolvent fans héfiter le problème de bâtir le
plus folidement qu il Joit pojjible dans le moindre ejpace
pojjible, èr avec la plus grande économie pojjible ! que
penfer de l ’excès auquel on a porté le détail de ces
éloges! car enfin une mouche ne doit pas tenir dans la
tête d’un naturalifte plus de place qu’elle n’en tient
dans la Nature; & cette république merveilleufe ne fera
jamais, aux yeux de la raifon, qu’une foule de petites
betes qui n’ont d’autre rapport avec nous que celui de
nous fournir de la cire & du miel.
Ce n eft point la curiofité que je blâme ici, ce
font les raifonnemens & les exclamations : qu’on ait
obfervé avec attention leurs manoeuvres, qu’on ait ftiivi
avec foin leurs procédés & leur travail, qu’on ait décrit
exactement leur génération, leur multiplication , leurs
metamorphofes, &c. tous ces objets peuvent occuper
le loifir d un naturalifte ; mais c ’eft la morale, c ’eft la
théologie des infectes que je ne puis entendre prêcher;
ce font les merveilles que les obfervateurs y
mettent & fur lefquelles enfuite ils fe récrient comme
fi elles y étoient en effet, qu’il faut examiner; c’eft
cette intelligence, cette prévoyance, cette connoiflànce
même de l’avenir qu’on leur accorde avec tant de
complaifànce, & que cependant on doit leur refufer
rigoureufement, que je vais tâcher de réduire à là jufte
valeur.
SUR LA NATURE DES ANIMAUX. 93
Les mouches folitaires n’ont, de l’aveu de ces obfervateurs,
aucun efprit en comparaifon des mouches qui
vivent enfemble ; celles qui ne forment que de petites
troupes en ont moins que celles qui font en grand
nombre;& les abeilles, qui de toutes font peut-être
celles qui forment la fociété la plus nombreufe, font
auffi celles qui ont le plus de génie. Cela feu 1 ne fùffit-il
pas pour faire penfer que cette apparence d’efprit ou
de génie n’eft qu’un réfultat purement méchanique, une
•combinaifon de modvemens proportionnelle au nombre,
un rapport qui n’eft compliqué que parce qu’il
dépend de plufieurs milliers'd’individus ! Ne fait-on
pas que tout rapport, tout defordre même,pourvu qu’il
foit confiant, nous paraît une harmonie dès que nous
en ignorons les caufes, & que de la fiippofition de cette
apparence d’ordre à celle de l’intelligence il n’y a qu’un
pas, les hommes aimant mieux admirer qu’approfondir!
On conviendra donc d’abord, qu’à prendre les mouches
une a une, elles ont moins de génie que le chien,
le finge & la plufpart des animaux ; on conviendra
quelles ont moins de docilité, moins d’attachement,
moins de fentiment, moins en un mot de qualités relatives
aux nôtres : dès-lors on doit convenir que leur
intelligence apparente ne vient que de leur multitude
reunie; cependant cetfe réunion même ne fuppofe aucune
intelligence, car ce n’eft point par des vues morales
qu elles fe réunifient, c’eft fans leur confentement
qu’elles fe trouvent enfemble. Cette fociété n’eft donc
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