378 H i s t o i r e N a t u r e l l e
-efpèce ; qne la plufpart des chevaux fauvages dont parlent
les voyageurs, font de petite taille, & ont,'comme
les ânes, le poil gris, la queue nue, hériflee à l’extrémité,
& qu’il y a des chevaux fauvages, & même des
chevaux domeftiques qui ont la raie noire fur le dos, &
d’autres caraétères qui les rapprochent encore des ânes
fauvages ou domeftiques. D ’autre côté, fi l’on confidère
les différences du tempérament, du naturel, des moeurs,
du réfultat, en un mot, de l’organifation de ces deux
animaux, & fur-tout i’impoffibilité de les mêler pour
en faire une efpèce commune, ou meme une efpece
intermédiaire qui puifle fe renouveler, on paroît encore
mieux fondé à croire que ces deux animaux font chacun
d’une efpèce auffi ancienne 1 une que 1 autre, &
originairement auffi effentielfement différentes qu elles
le font aujourd’hui, d’autant plus que 1 âne ne laiffe pas
de différer matériellement du cheval par la petiteffe de
la taille, la groffeur de la tête, la longueur des oreilles,
la dureté de la peau, la nudité de la queue, la forme
de la croupe, & auffi par les dimenfions des parties qui
en font voilines, par la voix, l’appétit, la maniéré de
hoire, &c. L ’âne & le cheval viennent-ils donc originairement
de la même foncheî font-ils, comme le difent
les nomenclateurs*, de la même famille! ou ne font-ils
pas, ôi n’ont-ils pas toujours été, des animaux differens!
Cette queftion, dont les phyficiens fendront bien la
* Equus caudâ undique fetofâ, le cheval. Equus caudu exire met*
Jetofâf l'âne. Linnaâ fyftema Naturæ. Clafl'. i \ ortl. 4.
généralité, la difficulté, les conféquences, & que nous
avons cru devoir traiter dans cet article, parce qu’elle
fe préfente pour la première fois-, tient à la produélion
des êtres de plus près qu’aucune autre, & demande,
pour être éclaircie, que nous confidérions la Nature
fous un nouveau point de vue. Si, dans l’immenfe
variété que nous préfentent tous les êtres animés qui
peuplent l’Univers, nous choifiiïons un animal, ou
même le corps de l’homme pour fervir de bafe à nos
connoiiïànces, & y rapporter, par la voie de la corn-
paraifon, les autres êtres organifés, nous trouverons que,
quoique tous ces êtres exiftent folitairement, & que tous
varient par des différences graduées à l’infini, il exifte
en même temps un deffein primitif & général qu’on peut
fuivre très-loin, & dont les dégradations font bien plus
lentes que celles des figures & des autres rapports appa-
rens ; car, fans parler des organes de la digeftion, de la
circulation & de la génération, qui appartiennent à tous
les animaux, & fans lefquels. l ’animal cefferoit d’être
animal & ne pourroit ni fiibfifter ni fe reproduire, il y
a, dans les parties mêmes qui contribuent le plus à la
variété de la forme extérieure, une prodigieufe reffem-
blance qui nous rappelle néceflairenient l ’idée d’un
premier deffein, fur lequel tout femble avoir été conçu :
le corps du cheval, par exemple, qui du premier coup
d’oeil paroît fi différent du corps de l’homme, lorfqu’on
vient à le comparer en détail & partie par partie, au
lieu de furprendre par la différence, n’étonne plus que
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