D i s c o u r s
une inquiétude raifonnée ! pourquoi trouve-t-on à la fin
de l’automne dans le trou d un mulot affez de gland
pour le nourrir jufqu’à l ’été fuivant ! pourquoi cette
abondante récolte de cire & de miel dans les ruches!
pourquoi les fourmis font-elles des provifions ! pourquoi
les oifeaux feroient-ils des nids, s’ils ne favoient pas qu’ils
en auront befoin pour y dépofer leurs oeufs & y élever
leurs petits, &c. & tant d ’autres faits particuliers que
l ’on raconte de la prévoyance des renards, qui cachent
leur gibier en différons endroits pour le retrouver au
befoin & s’en nourrir pendant plufieurs jours; de la
fubtilité raifonnée des hiboux, qui favent ménager leur
provifion de fou-ris en leur coupant les pattes pour les
empêcher de fuir ; de la pénétration merveilleufe des
abeilles, qui lavent d’avance que leur reine doit pondre
dans un tel temps tel nombre d’oeufs d’une certaine
efpèce, dont il doit fortir des vers de mouches mâles,
& tel autre nombre d’oeufs d’une autre elpèce qui doivent
produire les mouches neutres, & qui, en confé-
quence de cette connoillànce de l’avenir, conflruifent
tel nombre d’alvéoles plus grandes pour les premières,
& tel autre nombre d’alvéoles plus petites pour les
fécondés! & c, &c, &c.
Avant que de répondre à ces queftions, & même
de raifonner fur ces faits, il faudroit être alfuré qu’ils
font réels & avérés, il faudroit qu’au lieu d’avoir été
racontés par le peuple ou publiés par des obfervateurs
amoureux du merveilleux, ils eulfent été vus par des
gens fenfés, & recueillis par des philofophes : je fuis
perfiiadé que toutes les prétendues merveilles diiparoî-
troient, & qu’en y réflécliifiant on trouverait la’ caufe de
chacun de ces effets en particulier. Mais admettons pour
un inftant la vérité de tous ces faits, accordons avec
ceux qui les racontent, le preffentinrent, la prévifion, la
connoiffance même de l ’avenir aux animaux, en réful-
tera-t-il que ce foit un effet de leur intelligence! fi cela
étoit elle feroit bien fupérieure à la nôtre car notre
prévoyance efl toujours conjcélurale,. nos notions fur
l’avenir ne font que douteufes, toute la lumière de
notre ame fuffit à peine pour nous faire entrevoir les.
probabilités des chofes futures; dès-lors les animaux
qui en voient la certitude, puifqu’ifs fe déterminent
d’avance & fans jamais fe tromper, auraient en eux
quelque chofe de bien fupérieur au principe de notre
connoiffance, ils auraient une ame bien plus pénétrante
& bien plus: clairvoyante que la nôtre. Je demande fi
cette conféquence ne répugne pas autant à la religion,
qu’à la raifon.
Ce ne peut donc être par une intelligence femblable
à la nôtre que les animaux aient une connoiffance certaine
de, l ’ayenir, puifque nous, n’en avons que des.
notions très - douteufes & très- imparfaites ; pourquoi
donc leur accorder fi légèrement une qualité fi fublimel
pourquoi nous dégrader mal à propos! ne feroit-d pas
moins déraifonnable, fuppofê qu’on ne pût pas douter:'
dès -faits, d’en rapporter la caufe à desloix méchaniqucs,,