efficacement & la vaincre; au contraire cette dernière
«tant formée de toutes les illufions de nos fens & de
notre imagination, elle contraint, elle enchaîne, Sc
fouvent elle accable la première, & nous fait agir contre
ce que nous penfons, ou nous force à l’inaélion, quoique
nous ayons la volonté d’agir.
Dans le temps où la faculté raifonnable domine, on
s’occupe tranquillement de foi-même, de fesamis, de
fes affaires; mais onVaperçoit encore, ne fut-ce que
par des diftraétions involontaires, de la préfence de
l ’autre principe. Lorfque celui-ci vient à dominer à fon
tour, on fe livre ardemment à la diffipation, a fes goûts,
à fes pallions, & à peine réfléchit-on par inrtans fur les
objets mêmes qui nous occupent & qui nous remplif-
fent tout entiers. Dans ces deux états nous fommes
heureux, dans le premier nous commandons avec fatif-
faétion, & dans le fécond nous obéiffons encore avec
plus de plaifir: comme il n’y a que l’un 4es deux principes
qui foit alors en aélion , & qu’il agit fans oppofi-
tion de la part de l ’autre, nous ne fentons aucune
contrariété intérieure , notre moi nous paroît Ample,
parce que nous n’éprouvons qu’une impulfiort fimple,
& c ’ell dans cette unité d’adion que confifte notre
bonheur : car pour peu que par des réflexions nous
venions à blâmer nos plailîrs, ou que par la violence
de nos pallions nous cherchions à haïr la raifon, nous
celions dès-lors d’être heureux, nous perdons l’unité
de notre exilience en quoi confifte notre tranquillité; la
contrariété
contrariété intérieure fe renouvelle, les deux perlonnes
le repréfentent en oppofition, & les deux principes fe
font fentir & fe manifeftent par les doutes, les inquiétudes
Si les remords.
De là on peut conclurre que le plus malheureux de
tous les états eft celui où ces deux puifïànces fbuve-
raines de la nature de l’homme font toutes deux en
grand mouvement, mais en mouvement égal Si qui fait
équilibre ; c’eft là le point de l’ennui le plus profond
Si de cet horrible dégoût de foi-même, qui ne nous
laiffe d’autre delir que celui de ceffer d’être, & ne nous
permet qu’autant d’aétion qu’il en faut pour nous détruire,
en tournant froidement contre nous des armes
de fureur.
Quel état affreux! je viens d’en peindre la nuance la
plus noire; mais combien n’y a-t-il pas d’autres fombres
nuances qui doivent la précéder! Toutes les fituations
voifines de cette fituation, tous les états qui approchent
de cet état d’équilibre, & dans lefquels les deux principes
oppofés ont peine à fe fùrmonter, & agiffent en
même temps & avec des forces prefque égales, font des
temps de trouble, d’irréfolution & de malheur ; le corps
même vient à fouffrir de ce defordre & de ces combats
intérieurs, il languit dans l’accablement, ou fe
confume par l’agitation que cet état produit.
Le bonheur de l’homme confiftant dans l ’unité de
fon intérieur, il eft heureux dans le temps de l’enfance,
parce que le principe matériel domine feul Si agit prefque
Tome IV . K