D I S C O U R S
naître le defir, &. c’eft le defir qui produit le mouve1-
ment progreffif. Pour le faire encore mieux fentir,
fuppofons un homme, qui dans l’inftant où il voudrait
s’approcher d’un objet, fe trouverait tout à coup privé
des membres néceffaires à cette aélion, cet homme, auquel
nous retranchons les jambes, tâcherait de marcher
fur fes genoux; ôtons-lui encore les genoux & les
cuiffes, en lui confervant toujours le defir de s’approcher
de l’objet, il s'efforcera alors de marcher fur fes
mains; privons-le encore des bras & des mains, il rampera,
il fe traînera, il employera toutes les forces de fon
corps & s’aidera de toute la flexibilité des vertèbres pour
fe mettre en mouvement, il s’accrochera par le menton
ou avec les dents à quelque point d’appui pour tâcher
de changer de lieu; & quand même nous réduirions fon
corps à un point uhyfique„à un atome globuleux, fi le
defir fubfifte, il employera toujours toutes fes forces,
pour changer de fituation: mais comme il n’aurait alors,
d ’autre moyen pour fe mouvoir que d’agir contre le
plan fur lequel il porte, il ne manquerait pas de s’élever
plus ou moins haut pour atteindre à l’objet. Le mouvement
extérieur & progreffif ne dépend donc point de
l ’organilàtion & de la figure du corps & des membres,,
puifque de quelque manière qu’un être fut extérieurement
conformé, il ne pourrait manquer de fe mouvoir,
pourvu qu’il eût des fens& le defir de les làtisfairc,
C ’elt à la vérité de cette organilâtion extérieure
que dépend, la facilité, la yîtefle,, la. direction , la;
continuité, &c. du mouvement; mais la caufe, le principe,
l’aétion, la détermination, viennent uniquement-
du defir occafionné par l’impreflion des objets lùr les
fens : car fuppofons maintenant que la conformation
extérieure étant toujours la même, un homme fe trouvât
privé fuccelfivement de fes fens, il ne changera pas de
lieu pour fatisfaire fes yeux, s’il efl: privé de la vue; il
ne s’approchera^ pas pour entendre, fi le fon ne fait
aucune imprelfion lur fon organe; il ne fera jamais aucun
mouvement pour retirer une bonne odeur ou pour en
éviter une mairvaife, fi fon odorat efl détruit; il en efl
de même du toucher & du goût, fi ces deux fens ne
font plus fufceptibles d’imprelfion, il n’agira pas pour
les fatisfaire; cet homme demeurera donc en repos, &
perpétuellement en repos, rien ne pourra le faire changer
de htuation & lui imprimerie mouvement progreffif,
quoique par la conformation extérieure il fût parfaitement
capable de fe mouvoir & d’agir.
Les befoins naturels, celui, par exemple, de prendre
de la nourriture, font des mouvemens intérieurs dont
les impreffions. font naître le defir, l’appétit, & même'
la néceflité ; ces mouvemens intérieurs, pourront donc
produire des mouvemens extérieurs- dans, l’animal, &.
pourvû qu’il nefioit pas privé de tous les fens extérieurs,,
pourvû qu’il ait un fens relatif à les. befoins., il agira;
pour les fatisfaire. Le befoin n’ell pas le defir, il en
diffère comme la caufe diffère de l’effet, & il ne peut
le produire fans Le concours des «fens. Toutes les fois
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