fe nourrir, croître & multiplier; la quantité compenfe
ici la qualité de la nourriture, mais le fonds en eft le
même, c’eft la même matière, ce font les mêmes molécules
organiques qui nourrirent le boeuf, l’homme
& tous les animaux.
On ne manquera pas de m’oppofer que le cheval
n’a qu’un eftomac, & même aifez petit ; que l’âne,
le lièvre & d’autres animaux qui vivent d’herbe n’ont
suffi qu’un eftomac, & que par conféqu’ent cette explication,
quoique vrai-femblable, n’en eft peut-être ni
plus vraie, ni mieux fondée; cependant, bien loin que
ces, exceptions apparentes la détruifent, elles me pa-
roiflent au contraire la confirmer, car quoique le cheval
& l’âne h’aient qu’un eftomac , ils ont des poches
dans les inteftins, d’une fi grande capacité, qu’on peut
les comparer à la panfe des animaux ruminans ,• & les
lièvres ont l’inteftin cæcum d’une fi grande longueur Sc
d’un tel diamètre, qu’il équivaut au moins à un fécond
eftomac ; ainfi il n’eft pas étonnant que ces animaux
puiflent fe nourrir d’herbes , & en général on trouvera
toujours que c’eft de la capacité totale de l’eftomac
& des inteftins que dépend dans les animaux la diverfité
de leur manière de fe nourrir; car les ruminans, comme
le boeuf, le bélier, le chameau, &c. ont quatre eftomacs
& des inteftins d’une longueur prodigièufe; auffi vivent-
ils d’herbe, & l’herbe feule leur fuffit: les chevaux, les
ânes, les lièvres, les lapins, les cochons d’inde, &c.
n’ont qu’un eftomac, mais ils ont un cæcum qui
équivaut à un fécond eftomac, Sc ils vivent d’herbe Sc
de graines ; les fangliers, les hériftbns, les écureuils,
&c. dont l’eftomac & les boyaux font d’une moindre
capacité, ne mangent que peu d’herbe, & vivent de
graines, de fruits & de racines ; & ceux qui, comme
les loups, les renards, les tigres, Scc. ont l’eftomac
Sc les inteftins d’une plus petite capacité que tous les
autres, relativement au volume de leur corps, font
obligés, pour vivre, de choifir les nourritures les plus
fucculentes, les plus abondantes en molécules organiques,
Sc de manger de la chair & du fàng, des graines
Sc des fruits.
C ’eft donc fur ce rapport phy-fique Sc néceflaire,
beaucoup plus que fur la convenance du goût, qu’eft
fondée la diverfité que nous voyons dans les appétits
des animaux ; car fi la néceflité ne les déterminoit- pas
plus fouvent que le-goû t, comment pourraient-ils
dévorer la chair infecte Sc corrompue avec autant d’avidité
que la chair fucculente & fraîche ! pourquoi man-
geroient-iis également de toutes fortes de chair ! nous
voyons que les chiens domeftiques qui ont de quoi
choifir, refufent aflez conftamment certaines viandes,
comme la bécafle, la grive, le cochon, &c. tandis que
les chiens fauvages, les loups, les renards, &c. mangent
également, & la chair du cochon, & la becafle,
Sc les oifeaux de toutes elpèces, & même les grenouilles
, car nous en avons trouvé deux dans 1 eftomac
d’un loup ; & lorfque la chair ou le poifton Jeur
K k k ij