L ’empire de l’homme fur les animaux eft un empire
légitime qu’aucune révolution ne peut détruire, c’eft
l ’empire de i’efprit fur la matière, c’eft non feulement
un droit de Nature, un pouvoir fondé fur des loix inaltérables,
mais c’eft encore un don de Dieu, parl?tjuel
l ’homme peut reconnoître à tout inftant l’excellence
•de Ion être; car ce n’eft pas parce qu’il eft le plus
parfait, le plus fort ou le plus adroit des animaux qu’il
.leur commande: s’il n’étoit que le premier du même
ordre, les féconds fe réuniroient pour lui difputer l’empire;/
nais c ’eft par fupériorité de Nature que l ’homme
règne & commande, il penfe, & dès-lors il eft maître
des êtres qui ne penfent point.
Il eft maître des corps bruts, qui ne peuvent oppofer
à là volonté qu’une lourde réfiftance ou qu’une inflexible
dureté, que là main lait toujours furmonter & vaincre
en les failànt agir les uns contre les autres; il eft maître
des végétaux, que par fon induftrie il peut augmenter,
diminuer, renouveler, dénaturer, détruire ou multiplier
à l ’infini; il eft maître des animaux,, parce que non
feulement il a comme eux du mouvement & du fen-
timent, mais- qu’il a de plus la lumière de la penfée,
qu’,1 connoît les fins & (es moyens, qu’il lait diriger
fes aélions, concerter fes opérations, mefurer fies mou-
vemens, vaincre, la force par l ’efprit, & la vîtefle par
l ’emploi du temps.
Cependant parmi les animaux les uns parodient être
plus ou moins familiers, plus ou moins fàuvages, plus
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ou moins doux, plus oti moins féroces: que l’on compare
la docilité & la fourrtiftion du chien avec la fierté
& la férocité du tigre, l’un paroît être l’ami de l’homme
Sl l ’autre fon ennemi; fon empire fur les animaux ri’eft
donc pas abfoiu, combien d’efpèceS lavent fe fouftraire
à fa puiffance par la rapidité de leur vol, par la légèreté
de leur courfe, par l’obfcurité de leur retraite, par la
diftance que met entre eux & l’homme l’élément qu’ils
habitentcombien d’autres elpèceS- lui échappent par
leur feule petitefle! & enfin combien y en a-t-il qui,
bien loin de reconnoître leur fouverain, l’attaquent à
force ouverte ! fans parler de ces infeétes qui femblent
1 infulter par leurs piqûres, de ces ferpens dont la mord
re porte le poifon & la mort, & de tant d’autres
bêtes immondes, incommodes, inutiles, qui femblent
n’exifter que pour former la nuance entre le mal & le
bien, & faire fentir à l’homme combien, depuis là
chute, il eft peu relpeété.
G ’eft qu’il,faut diftinguer l’empire de Dieu du domaine
de l’homme: Dieu créateur des êtres eft feul
maître de la Nature, l ’homme ne peut rien fur le produit
de la création, il ne peut rien fitr les mouvemens des
corps céfeftes, fiir les révolutions de ce globe qu’il habite,
il ne peut rien fur les animaux, les végétaux, les
minéraux en général, il ne peut rien fur les efpèces, il
ne peut que fur les individus;' car les efpèces en général
& la matière en bloc appartiennent à la Nature, Ou plüftôt
la conftituent; tout fe palfe, fe fuit, fe fuccède, fe
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