chevaux libres, leur démarche, leur courfe, leurs fàuts,
ne font ni gênés ni mefurés; fiers de leur indépendance,
ils fuient la préfence de l’homme, ils dédaignent
fes foins, ils cherchent & trouvent eux-mêmes la nourriture
qui leur convient, ils errent, ils bondilfent en
liberté dans des prairies immenfes, où ils cueillent les
productions nouvelles d’un printemps toujours nouveau;
fiins habitation fixe, fans autre abri que celui d’un ciel
ferein, ils relpirent un air plus pur que celui de ces Palais
voûtés où nous les renfermons en preffant les efpaces
qu’ils doivent occuper; auffi ces chevaux fàuvages font-
ils beaucoup plus forts, plus légers, plus nerveux que la
plufpart des chevaux domeftiques, ils ont ce que donne
la Nature, la force & la nobleffe, les autres n’ont que
ce que l ’art peut donner, l ’adreflè & l ’agrément.
Le naturel de ces animaux n’efl point féroce, ils
font feulement fiers & fàuvages ; quoique fupérieurs par
la force à la plufpart des autres animaux, jamais ils ne
les attaquent, & s’ils en font attaqués, ils les dédaignent,
les écartent ou les écrafent; ils vont suffi par troupes
& fe réunifient pour le feul plaifir d’être enfemble, car
ils n’ont aucune crainte, mais ils prennent de l’attachement
les uns pour les autres : comme l’herbe & les
végétaux fùffifent à leur nourriture, qu’ils ont abondamment
de quoi fàtisfàire leur appétit, & qu’ils n’ont
aucun goût pour la chair des animaux, ils ne leur font
point Ja guerre, ils ne fe la font point entre eux, ils ne
fe difputent pas leur fubfiflance, ils n’ont jamais occafion
de
de ravir une proie ou de s’arracher un bien, fources
ordinaires de querelles & de combats parmi les autres
animaux carnaciers; ils vivent donc en paix, parce que
leurs appétits font fimples & modérés, & qu’ils ont allez
pour ne fe rien envier.
Tout cela peut fe remarquer dans les jeunes chevaux
qu’on élève enfemble & qu’on mène en troupeaux,
ils ont les moeurs douces & les qualités fociales, leur
force & leur ardeur ne fe marquent ordinairement que
par des fignes d’émulation ; ils cherchent à fe devancer
à la courfe, à fe faire & même s’animer au péril en fe
défiant à traverfer une rivière, fauter un fofle, & ceux
qui dans ces exercices naturels donnent l’exemple, ceux
qui d’eux-mêmes vont les premiers, font les plus généreux,
les meilleurs, & fouvent les plus dociles & les
plus fouples lorfqu’ils font une fois domptés.
Quelques anciens auteurs parlent des chevaux fàuvages
,: & citent même les lieux où ils fe trouvoient ;
Hérodote dit que fur les bords de l’Hypanis en Scythie,
il y avoit des chevaux fàuvages qui étoient blancs, <Sc
que dans la partie feptentrionale de la Thrace au-delà
du Danube, il y en avoit d’autres qui avoient le poil
long de cinq doigts par tout le corps; Ariftote cite la
Syrie, Pline les pays du nord, Strabon les Alpes &
l’Efpagne comme des lieux où l’on trouvoit des chevaux
fauvages. Parmi les modernes, Cardan dit la même
chofe de l’E'cofle & des Orcades (a ) , Olaus de la
( a) VH Aldervand. de quadrupedib. fojiped. lib. I, pag. 19.
Tome I V Z