ineifives à la mâchoire fupérieure; <& fi le mouton &
la chèvre la coupent de très-près, c’eft parce qu’ils
font petits & que leurs lèvres font minces; mais le
boeuf, dont les lèvres font épaiffes, ne peut brouter
que l’herbe longue, & c’eft par cette raifon qu’il ne
fait aucun tort au pâturage fur lequel il vit; comme il
ne peut pincer que l’extrémité des jeunes herbes, il
n’en ébranle point la racine, & n’en retarde que très-
peu l ’accroifTement; au lieu que le mouton & la chèvre
les coupent de fi près, qu’ils détruifent la tige &
gâtent la racine: d’ailleurs le cheval choifit l’herbe la
plus fine, & lailfe grainer fe multiplier la grande
herbe, dont les tiges font dures, au lieu que le boeuf
coupe ces greffes tiges & détruit peu à peu l’herbe la
plus groffière, ce qui fait qu’au bout de quelques années
îa prairie fur laquelle le cheval a vécu n’eft plus qu’un
mauvais pré, au lieu que celle que le boeuf a broutée
devient un pâturage fin.
L ’efpèce de nos boeufs, qu’il ne faut pas confondre
avec celles de I’aurocks, du buffle & du bifon, paraît
être originaire de nos climats tempérés, la grande
chaleur les incommodant autant que le froid excefflf;
d’ailleurs cette elpèce, fi abondante en Europe, ne fe
trouve point dans les pays méridionaux, & ne s’eft pas
étendue au delà de l’Arménie & de la Perfe* en Afie »
& au delà de l’Egypte & de la Barbarie en Afrique ;
çar aux Indes, auffi-iuen que dans le refte de l’Afrique,
* Voyez le voyage de Chardin, tome I I , page 2 S.
& même en Amérique, ce font des bifons qui ont
une boffle fur le dos, ou d’autres animaux auxquels les
voyageurs ont donné le nom de boeuf, mais qui font
d’une efpèce différente de celle de nos boeufs ; ceux
qu’on trouve au Cap de Bonne-efpérance & en plufieurs
côntrées de l’Amérique, y ont été tranfportés d’Europe
par les Hollandois & par les Efpagnols : en général
il paraît que les pays un peu froids conviennent mieux
à nos boeufs que les pays chauds, & qu’ils font d’autant
plus gros & plus grands, que le climat eft plus humide
& plus abondant en pâturages. Les boeufs de
Danemarc, de la Podolie', de l ’Ukraine, & de la Tar-
tarie qu’habitent les Calmouques *, font les plus grands
de tous; ceux d’Irlande, d’Angleterre, de Hollande &
de Hongrie, font auffi plus grands que ceux de Perfe,
de Turquie, de Grèce,, d’Italie, de France & d’Ef-
pagne, & ceux de Barbarie font les plus petits de tous;
on affure même que les Hollandois tirent tous les ans du
Danemarc un grand nombre de vaches grandes & maigres,
& que ces vaches donnent en Hollande beaucoup
plus de lait que les vaches de France: c’eft apparemment
cette même race de vaches à lait qu’on a tranfi-
portée & multipliée en Poitou, en Aunis & dans les
marais de Charente, où on les appelle vachesfiandrines;
ces vaches font en effet beaucoup plus grandes & plus
maigres que les vaches communes, & elles donnent
* Voyez le voyage de Regnard. Paris, 174.2, tome I , page
2 1 7 ; & l’hiftoire generale des voyages, tome V i l , page 13 .