foient abfolument aflbupis pour que Je fens intérieur
.matériel puifle agir de fon propre mouvement, il fuffit
qu’ils loient fans exercice. Dans l ’habitude où nous
fommes de nous livrer régulièrement à un repos anticipé,
on ne s’endort pas toujours aifément; le corps &
les membres mollement étendus font fans mouvement;
les yeux doublement voilés par la paupière & les ténèbres,
ne peuvent s’exercer; la tranquillité du lieu & le
fdence de la niiit rendent l’oreille inutile ; les autres
fens font également inaétifs, tout eft en repos, & rien
n’eft encore affoupi: dans cet état, lorfqu’on ne sfoccupe
pas d’idées, & que l’ame eft auffi dans l’inaction, l’empire
appartient au fens intérieur matériel, il eft alors la
feule puiflànce qui agiffe, c’eft là le temps des images
chimériques, des ombres voltigeantes ; on veille , Si
cependant on éprouve les effets du fommeil : fi l’on eft en
pleine fànté, c’eft une fuite d’images agréables, d’illufions
charmantes ; mais pour peu que le corps foit fouffrant
ou affàiffé, les tableaux font bien différens, on voit des.
figures grimaçantes, des vifàges de vieilles, des fantômes
hideux qui femblent s’adreffer à nous, & qui fe fuccè-
dent avec autant de bizarrerie que de rapidité; c’eft la
lanterne magique, c ’eft une fcène de chimères qui rem-
pliffent le cerveau vuide alors de toute autre fenfàtion,
& le s objets de cette fcène font d’autant plus.vifs, d’autant
plus nombreux,. d’autant plus defàgréables, que les
autres facultés animales font plus lézées, que les nerfs
font plus délicats, & que l’on eft plus faible, parce que
SUR LA NATURE DES ANIMAUX. 6y
les ébranlemens caufés par les fenfations réelles étant,
dans cet état de foibleffe ou de maladie , beaucoup plus
forts & plus defagréables que dans l'état de fànté, les
repréfentatiorts de ces fenfations, que produit le renouvellement
de ces ébranlemens, doivent auffi être plus
vives & plus defàgréables.
Au refte nous nous fbuvenons de nos rêves, par la
meme raifon que nous nous fbuvenons des fenfations
que nous venons d’éprouver, & la feule différence qu’il
y ait ici entre les animaux Si nous, c ’eft que nous distinguons
parfaitement ce qui appartient à nos rêves de
ce qui appartient à nos idées ou à nos fenfations réelles,
& ceci eft une comparaifon, une opération de la mé-
moire, dans laquelle entre l’idée du temps; les animaux
au contraire, qui font privés de la mémoire Si de cette
puiflànce de comparer les temps, ne peuvent diftinguer
leurs rêves de leurs fenfations réelles, & l’on peut dire
que ce qu’ils ont rêvé leur eft effeélivement arrivé.
Je crois avoir déjà prouvé d’une manière démonftra-
tive, dans ce que j ’ai écrit * fur la nature de l’homme,
que les animaux n’ont pas la puiffance de réfléchir: or
1 entendement eft, non feulement une faculté de cette
puiflànce de réfléchir, mais c ’eft l’exercice même de
cette puiflànce , c ’en eft le réfultat, c’eft ce qui la mani-
fefte; feulement nous devons diftinguer dans l’entendement
deux opérations différentes, dont la première
* Voyez Iarticle de ta nature de l ’Homme, vol. i l de cette
Hiiloire Naturelle.
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