un certain ordre, de certaines habitudes communes,
comme nous le dirons dans l’hiftoire du daim, du
lapin , &c. Or toute habitude commune, bien loin
d’avoir pour caufe le principe d’une intelligence éclairée,
ne fuppofe au contraire que celui d’une aveugle
imitation.
Parmi les hommes, lafociété dépend moins des convenances
phyfiques que des relations morales. L ’homme
a d’abord me lu ré fa force & fa foibleffe, il a comparé
fon ignorance St fa curiofité, il a fenti que feul il ne
pouvoit fuffire ni latisfàire par lui-même à la multiplicité
de fes befoins, il a reconnu l’avantage qu’il aurait
à renoncer à l’ufage illimité de fa volonté pour acquérir
un droit fur la volonté des autres, il a réfléchi fur l’idée
du bien & du mal, il l ’a gravée au fond de fon coeur à
Ja faveur de la lumière naturelle qui lui a été départie
par la bonté du Créateur, il a vu que la folitude n’étoit
pour lui qu’un état de danger & de guerre, il a cherché
la fureté & la paix dans la fociété, il y a porté fes
forces. & fes lumières pour les augmenter en les réunifiant
à celles des autres : cette réunion eft de l’hommç
l ’ouvrage le meilleur, c ’eft de fa raifon l’ufàge le plus
fage. En effet il n’eft tranquille, il n’eft fort, il n’eft
grand, il ne commande à l’Univers que parce qu’il a
fû fe commander à lui-même, fe dompter, fefoûmettre
& s’impofer des loix; l’homme en un mot n’eft homme
que parce qu’il a fû fe réunir à l’homme,
IJ eft vrai que tout a concouru à rendre l ’homme
fociable ;
fociable; car quoique les grandes fociétés, les fociétés
policées, dépendent certainement de l ’ufàge 6t quelquefois
de l’abus qu’il a fait de fa raifon, elles ont fans
doute été précédées par de petites fociétés , qui ne
dépendoient, pour ainfi dire, que de la Nature. Une
famille eft une fociété naturelle, d’autant plus fiable,
d’autant mieux fondée, qu’il y a plus de befoins, plus
de caufes d’attachement. Bien différent des animaux,
l ’homme n’exifte prefque pas encore forfqu’il vient de
naître; il eft nu, foible, incapable d’aucun mouvement,
privé de toute aétion, réduit à tout fouffrir, fà vie-
dépend des fecours qu’on lui donne. Cet état de J’en-
fànce imbécille, impuiffante, dure long-temps; la nécef-
fité du fecours devient donc une habitude, qui feule
ferait capable de produire l ’attachement mutuel de l’enfant
& des père & mère; mais comme à mefure qu’il
avance, l’enfant acquiert de quoi fe paffer plus aifément
de fecours, comme il a phyfiquement moins befoin
d’aide ; que les parens au contraire continuent à s’o c cuper
de lui beaucoup plus qu’il ne s’occupe d’eux, il
arrive toujours que l’amour defcend beaucoup plus qu’il
ne remonte: l’attachement des père & mère devient
excelfif, aveugle, idolâtre, & celui de l’enfant refte tiède
& ne reprend des forces que lorfque la raifon vient à
développer le germe de la reconnoiflànce.
Ainfi la fociété, confidérée même dans une feule
famille » fuppofe dans l’homme la faculté raifonnable;
la fociété, dans les animaux qui femblent fe réunir
Tome IV. N