1’anatomie féparément de la phyfiologie, & feulement
comme l’art de difféquer: c’eft dans ce fens que l’ana-
tomifle ne voit que l ’individu qu’il a fous les yeux,
tandis que le naturalifte s’occupe autant des caraétères
fpécifiques que des qualités individuelles ; il cherche
dans les produéfions de la Nature des différences &
des reffemblances, ainfi en ohfervant l’une il ne perd
jamais de vue les autres ; toutes doivent faire partie de
fes connoifîànces, & fournir des faits à l’Hiftoire Naturelle:
cette fcience parcourt d’un pas égal les efpèces,
les genres, les claffes & les règnes, fes limites font aufïï
étendues que celles de la Nature. L anatomifle au contraire
s’attache à l’individu qu’il a préfent, il 1 examine
dans toutes fes parties, il le contemple fi attentivement,
qu’il le voit s’aggrandir fous fes yeux ; à force de le
détailler & de le divifer, il croit développer un monde
entier. Cet objet, immenfe dans les détails, devient im-
menfe dans les clefcriptions, & occupe feul l’anatomifte ;
il y applique tout fon art, art dont les opérations font
fi fines & fi délicates qu’elles fuppofent la plus grande
fagacité & la dextérité la plus parfaite. Toutfe développe
aux yeux d’un habile anatomifle, il fépare les membranes
les plus minces, il voit la direction des fibres les plus
déliées, il fuit les vaiffeaux & les nerfs jufque dans leurs
plus petites ramifications, il pénètre dans les cavités les
plus fecrètes, il obferve l’intérieur des filtres les plus
ferrés, il déploie les organes des parties les plus folides,
il fait raffermir, par des préparations, celles qui font les
plus molles, il coupe, il écarte, il enlève tout ce qui
lui fait obllacle, il porte la lumière fur fbn fujet en y
injeélant des liqueurs colorées, qui rendent fenfibles à
la vue les parties les moins apparentes, il les groffit à
l’aide du microfcope ; enfin l’Anatomifle particularife
fon fujet dans tous fes points, & defcend jufqu’aux
plus grandes profondeurs de l’analyfe pour le confidérer
dans fes premiers élémens, tandis que le Naturalifte
généralife toutes fes obfervations, & s’élève affez pour
reconnoître d’un coup d’oeil les réfultats généraux de
la Nature.
Des Sciences, dont la conduite efl fi differente, doivent
nécefîairement employer différens procédés pour
la même opération, c’eft ce qui doit arriver dans les
deferiptions des parties intérieures des animaux. Totite
deferiptioh anatomique de ces parties efl bonne dès
qu’elle efl claire & conforme à la vérité; la prolixité
y efl peut-être plus à rechercher qu’à éviter nous
pourrions rapporter pour exemple plusieurs ouvrages de
ce genre, dont les longueurs ont fait le principal mérite:
il n en efl pas de même pour les deferiptions d’Hifloire
Naturelle , elles ont des limites que l’on ne peut paffer
fans fe jeter dans lofcfGlirité ou dans la minutie, tout
detail fiiperflu efl au delà de ces limites , & l ’on n’en
peut jamais tirer aucune conféquence fondée.
Il efl donc queflion de favoir quelles font les bornes
que 1 on doit fe preferire dans les deferiptions d’Hiftaire
Naturelle, & comment on peut éviter ces détails
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