3B 6 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
différences que l’on pourrait fàifir dans la comparaifon
des êtres, ne feraient, ni fi confiantes, ni fi réelles,
ni fi certaines; ces intervalles feront auffi les feules lignes
de féparation que l’on trouvera dans notre ouvrage,
nous ne diviferons pas les êtres autrement qu’ils le
font en effet, chaque efpèce, chaque fucceffion d’individus
qui fe reproduifent 8c ne peuvent fe mêler,
fera confidérée à part & traitée féparément, & nous ne
nous fervirons des familles, des genres, des ordres &
des claffes, pas plus que ne s’en fert la Nature. 1
L ’efpèce n’étant donc autre chofo qu’une fucceffion
confiante d’individus femblables âc qui fe reproduifent,
il eft clair que cette dénomination ne doit s’étendre
qu’aux animaux Sc aux végétaux, Sc que c ’eft par un
abus des termes ou des idées que les nomenclateurs
l’ont employée pour défigner les différentes fortes de
minéraux : on ne doit donc pas regarder le fer comme
une efpèce, 6c le plomb comme une autre efpèce, mais
feulement comme deux métaux différens; & l’on verra
dans notre difcours fiir les minéraux, que les lignes de
féparation que nous emploierons dans la divifion des
matières minérales , feront bien différentes de celles
que nous employons pour les animaux & pour les
végétaux.
Mais pour en revenir à la dégénération des êtres, &
particulièrement à celle des animaux, obfervons & examinons
encore de plus près les mouvefnens de la Nature
dans les variétés qu’elle nous oflre ; & comme i ’efpèce
humaine nous eft la mieux connue, voyons jufgu’où
s'étendent ces mouvemens de Variation. Les hommes
diffèrent du blanc au noir par la couleur, du double au
fimple par la hauteur de la taille, la groffeur, la légèreté,
la force, &c. & du tout au rien pour l’efprit; mais
Cette dernière qualité n’appartenant point a la matière,
ne doit point être ici confideree; les autres font les
variations ordinaires de la Nature qui viennent de 1 influence
du climat & de la nourriture; mais ces différences
de couleur 8c de dimenfion dans la taille
n’empêchent pas que le Nègre Sc le Blanc, le Lappon
& le Patagon, le géant & le nain , ne produifent
enfemble des individus qui peuvent eux-memes fe
reproduire, Sc que par conféquent ces hommes, fi différens
en apparence, ne foient tous d une foule & memê
efpèce, puifque cette reproduction confiante eft ce qui
conftitue l’efpèce. Après ces variations générales, il y
en a d’autres qui font plus particulières, Sc qui ne laiffent
pas de fe perpétuer, comme les énormes jambes des
hommes qu’on appelle de la race de S .‘ Thomas * dans
Fifle de Ceylan, les yeux rouges & les cheveux blancs
des Dariens & des Chacrelas, les fixt doigts aux mains
Sc aux pieds dans certaines familles, &c. ces variétés
* Voyez Je troifième volume de cette Hiûoire Naturelle, article
Variétés dans l’efpèce humaine.
t Voy. cette oblèrvation curieufe dans les lettres de M. de Mau-
pertuis, où vous trouverez auffi plufieurs idées philofophiques très-
élevées fur la génération & fur différens autres lùjets.C
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