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quelques autres qui ont des mains, & qui par conféquent
peuvent boire comme l’homme, lorfqu’on leur donne
un vafe qu’ils peuvent tenir; car ils le» portent à leur
bouche, l’inclinent, verfent la liqueur, & lavaient par le
fimple mouvement de la déglutition : l’homme boit ordinairement
de cette manière, parce que c ’eft en effet la
plus commode ; mais il peut encore boire de plufieurs
autres façons, en approchant les lèvres & les contractant
pour afpirer la liqueur, ou bien en y enfonçant le nez
& la bouche affez profondément pour que la langue en
foit environnée & n’ait d’autres mouvemens à faire que
celui qui eft néceflàire pour la déglutition, ou. encore
en mordant, pour ainfi dire, la liqueur avec les lèvres,
ou enfin, quoique plus difficilement, en tirant la langue,
l’élargiflànt, & formant une efpèce de petit godet qui
rapporte un peu d’eau dans La bouche : la plufpart des
quadrupèdes pourroient auffi chacun boire de plufieurs
manières, mais ils font comme nous, ils choififfent celle
qui leur eft la plus commode & la fuivent conflamment.
Le chien, dont la gueule eft fort ouverte & la langue
longue & mince, boit en lapant, c ’eft-à-dire, en léchant
la liqueur, & formant avec la langue un godet qui fe
remplit à chaque fois & rapporte une affez grande
quantité de liqueur ; il préfère cette façon, à celle de fe
mouiller le nez:le cheval au contraire, qui a la bouche
plus petite & la langue trop épaiffe & trop courte pour ”
former un grand godet, & qui d’ailleurs boit encore
plus avidement qu’il ne mange, enfonce la bouche &
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fe nez brufquement & profondément dans l ’eau, qu’il
avale abondamment par le fimple mouvement de la
déglutition ; mais cela même le force à boire tout d’une
haleine, an lieu que le chien refpire à fon aife pendant
qu’il boit; auffi doit-on iaiffer aux chevaux la liberté
de boire à plufieurs reprifes, fur-tout après une courfe,
lorfque le mouvement de la refpiration eft court &
preffé ; on ne doit pas. non plus leur Iaiffer boire de l ’eau
trop froide, parce qu’indépendamment des coliques que
l ’eau froide caufe fouyent, il leur arrive auffi, par la
néeeffité où ils font d’y tremper les nafeaux, qu’ils fe
refroidiffent le nez, s’enrhument, & prennent peut-être
les germes de cette maladie à laquelle on a donné le
nom de morve , la plus formidable de tontes pour
cette efpèce d’animaux ;.car on fait depuis peu que le
fiége de la morve eft dans la membrane pituitaire ( x )■ ;
que c’eft par conféquent. un vrai rhume, qui à la longue
caufe une inflammation dans cette membrane, &
d’autre coté les voyageurs qui rapportent dans un affez
grand détail les maladies des chevaux dans les pays
chauds, comme P Arabie, la Perfe , la Barbarie,“' ne
difent pas que la morve y foit auffi fréquente que dans
les climats froids ; ainfi je crois être fondé à conjecturer
que l’une des caufes de cette maladie eft la
froideur de l’eau, parce que ces animaux font obligés.
(x) M. cle la Folle, maréchal du Roi, a le premier démontré que
lé fiégê de la morve eft dans la membrane pituitaire, fit-il aelîâyé de
guérir des chevaux en.les trépanant..