que ce n’eft que par fentiment aveugle quelles travaillent
, qu’on peut les obliger à travailler, pour ainfi
dire, autant que l’on veut: tant qu’il y a des fleurs qui
leur conviennent dans le pays qu elles habitent, elles ne
ceflent d’en tirer le mieî & la cire ; elles ne difconti-
nuent leur travail & ne finiflent leur récolte que parce
qu’elles ne trouvent plus rien à ramafler. On a imagine
de les tranfporter & de les faire voyager dans d autres,
pays où il y a encore des fleurs, alors elles reprennent
ie travail, elles continuent à ramafler, à entafler jufqu’à.
ce que les fleurs de ce nouveau canton foient épuifées.
ou flétries; & fi on les porte dans un autre qui foit
encore fleuri„ elles continueront de mêrpe à recueillir*
à amafler : leur travail n’eft donc point une prévoyance
ni une peine qu’elles fe donnent dans la vue de faire
des provifions pour elles* c ’eft au contraire un mouvement
diélé par le fentiment, & ce mouvement dure &
fe renouvelle autant & auflî long-temps qu’il exifte des
objets qui y font relatifs.
Je me fuis particulièrement informé des mulots, &
fai vu quelques-uns de leurs trous, ils font ordinairement
divifés en deux, dans l’un ils font leurs petits,,
dans l ’autre ils entaflent tout ce qui flatte leur appétit.
Lorfqu’ils font eux-mêmes leurs trous, ils ne les font
pas grands, & alors ils ne peuvent y placer qu’une affez
petite quantité de graines; mais lorfqu’iis trouvent fous
le tronc d’un arbre un grand efpace, ils s’y logent, &
ils le rempliflent, autant qu’ils peuvent, de blé, de
noix, de noifettes, de glands, félon le pays qu’ils
habitent; en forte que la provifion, au lieu d’être proportionnée
au befoin de l’animal, ne l’eft au contraire
qu’à la capacité du lieu*
Voilà donc déjà les provifions des fourmis, des mulots,
des abeilles, réduites à des tas inutiles; difpropor-
tionnés & ramafîes fans vues, voilà les petites loix
particulières de leur prévoyance fuppoféç ramenées à
la loi réelle &. générale du fentiment; il en fera de
même de la prévoyance des oifeaux, Il n’eft pas nécef-
fàire de leur accorder la connoiflànce de l’avenir, ou
de recourir à la fùppofition d’une loi particulière que le
Créateur auroit établie en leur faveur, pour rendre raifon
de la conftruélion de leurs nids; ils font conduits par
degrés à les faire , ils trouvent d ’abord un lieu qui convient,
ils s’y arrangent, ils y portent ce qui le rendra
plus commode ; ce nid n’eft qu’un lieu qu’ils recon-
noîtront, qu’ils habiteront fans inconvénient, & où ils
féjourneront tranquillement : l’amour eft ie fentiment
qui les guide & les excite à cet ouvrage , ils ont befoin
mutuellement l’un de l’autre, ils fe trouvent bien enfem-
hle, ils cherchent à fe cacher, à fe dérober au refte.de
l ’Univers devenu pour eux plus incommode & plus
dangereux que jamais; ils s’arrêtent donc dans les endroits
les plus touffus des arbres, dans les lieux les plus
inacceftibles ou les plus obfcurs, & , pour s’y foûtenir,
pour y demeurer d’une manière moins incommode, ils
entaflent des feuilles, ils arrangent de petits matériaux,