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St travaillent à l’envi à leur habitation commune' le
uns moins adroits ou moins fenfuels ne font que des
ouvrages groffièrement ébauchés, d’autres-fë contentent
de ce qu’ils trouvent tout fait», & n’ont pas d’autre
domicile que les trous qui fe préfentent ou les pots
qu’on leur offre. Toutes ces manoeuvres font relatives
à leur organisation & dépendantes du fentiment qui ne
peut, à quelque degré qu’il foit, produire le raifon-
nement-, & encore moins donner cette prévifion intuitive,
cejte eonnoiffance certaine de l’avenir, qu’on
leur fuppofè..
On petit le prouver par des exemples familiers; norr
feulement ces animaux ne favent pas ce qui doit arriver;
mais ils ignorent même ce qui eft arrivé. Une poule ne
diflingue pas fes oeufs de ceux d’un autre oifeau, elle
ne voit point que les petits canards qu’elle vient de
faire éclorre ne lui appartiennent point, elle couve des
oeufs de craie, dont il ne doit rien réfulter, avec autant
d’attention que fes propres oeufs; elle ne connoit donc
ni le paffé, ni l’avenir, & fe trompe encore fur le
préfent. Pourquoi les oifeaux de baffe-cour ne font-ils
pas des nids-comme les autres! fêroit-ce parce que le
mâle appartient à plufîeiirs femelles! ou pluflôt n’efl-cë
pas qu’étant domefliques, familiers St accoûtumés à être
à l’abri des inconvéniens & des dangers, ils n’ont aucun
befoin de fé fouftraire aux yeux, aucune habitude de
chercher leur fureté dans la retraite & dans la folitude !
Cela même pourrait encore fe prouver par le fait, car
SUR LA NATURE DES ANIMAUX. 109
dans la même ëfpèce l’oifeau fàuvage fait fouvent ce
que l’oifeau domeflique ne fait point ; la gelinotte St
la- canne fàuvage font des nids, la poule St la canne
domefîiques n’en font point. Les nids des oifeaux, les
cellules des mouches-, les provifions des abeilles, des
fourmis, des mulots, ne fiippofent donc aucune intelligence
dans l ’animal, & ri’émanent pas de quelques
loix particulièrement établies pour chaque efpèce, mais
dépendent, comme toutes les autres opérations des animaux,
du nombre,, de la figure, du mouvement, de
i ’organifàtion & du fentiment, qui font les loix de Ist
Nature, générales St communes à tousdes êtres animés.
Il n ’e s t pas étonnant que l’homme, qui fe connoit
fi peu lui-même, qui confond fi fouvent fes fenfàtions-
St fes idées, qui diflingue fi peu le produit de fon ame
de celui de fon cerveau, fe compare aux animaux, St.
n’admette entr’ecix St lui qu’une nuance, dépendante ■
d’un peu plus ou d’un peu moins de perfeélion dans-
les organes; il n’efl pas étonnant qu’il les fàffe.raifonner,.
s’entendre Sc fe déterminer comme lui, & qu’il leur
attribue, non feulement les. qualités qu’il a, mais encore-
celles qui lui manquent. Mais que l’homme s’examine,,
s’analyfe St s’approfondiffe, il reconnoîtra bien-tôt la no—
bleffe de fon être, il fentira l’exiflence de fon ame, il
ceffera de s’a v i li r& verra d’un coup d’oeil la diftance
infinie que l ’E'tre fuprême a mife entre les bêtes & lui..
D IE U fenl connoit le paffé, le préfent St l’avenir.,,
il efl de tous les, temps, & y oit dans tous les. temps.^
O iij.