que ceux de l ’oreille c’eft par cette raifon que les
imprelfions que ce fens tranfmet au fens intérieur, font
plus fortes que les imprelfions tranfmifes par l ’oreille,.
& que nous nous repréfentons les. chofes que nous,
avons vues, beaucoup plus vivement que celles que nous,
avons entendues. Il paroît même que de tous les fens
l ’oeil elt celui dont les ébranlemens ont le plus de
durée, & qui doit par conféquent former les imprelfions.
les plus fortes, quoiqu’en apparence elles foient les plus
légères ; car cet organe paroît par fa nature participer
plus qu’aucun autre à la nature de l ’organe intérieur..
On pourrait le prouver par la quantité de nerfs qui
arrivent à l’oeil ; il en reçoit prefque autant lui feui.
que l ’ouïe, l’odorat & le goût pris enfemble.
L ’oeil peut donc être regardé comme une continuation
du fens intérieur; ce n’eft, comme nous l ’avons
dit à l ’article des fens, qu’un gros nerf épanoui, un;
prolongement de l’organe dans lequel réfide le fens
intérieur de l ’animal ; il n’ell donc pas étonnant qu’il
approche plus qu’aucun autre fens de la nature de ce
fens intérieur: en effet, non feulement fes ébranlemens
font plus durables, comme dans le fens intérieur, mais
il a encore des propriétés éminentes au deffus des autres,
fens, & ces propriétés font femblables à celles du fens.
intérieur^
L ’oeil rend au dehors les imprelfions intérieures, il
exprime le defir que l’objet agréable qui vient de le
frapper a fait naître ; c’eft, comme le fens intérieur, un.
fens aélif; tous les autres fens au contraire font prefque
purement paffifs, ce font de fimples organes faits pour
recevoir les imprelfions extérieures, mais incapables
de les conferver, & plus encore de les réfléchir au
dehors. L ’oeil les réfléchit, parce qu’il les conferve; 6c
il les conforve, parce que les ébranlemens dont il eft
affrété font durables, au lieu que ceux des autres fens
naiffent 6c finiffent prefque dans le même inflant.
Cependant lorfqu’ori ébranle très-fortement & très-
long-temps quelque fens que ce foit, l’ébranlement
fùbfifte & continue long-temps après l’aétion de l’objet
extérieur. Lorfque l’oeil eft frappé par une lumière trop
vive, ou lorfqu’il fè fixe trop long-temps fur un objet,
fi la couleur de cet objet eft éclatante, il reçoit une
impreffion fi profonde & fi durable, qu’il porte enfuite
l’image de cet objet fur tous les autres objets. Si l’on
regarde le foleil un inftant, on verra pendant plufieurs
minutes , & quelquefois pendant plufieurs heures &
même plufieurs jours, l’image du difque du foleil fiir
tous les autres objets. Lorfque l’oreille a été ébranlée
pendant quelques heures de fuite par le même air de
mufique, par des fons forts auxquels on aura fait attention
, comme par des hautbois ou par des cloches,
l ’ébranlement fùbfifte, on continue d’entendre les cloches
6c les hautbois, l’impreffion dure quelquefois plufieurs
jours, & ne s’efface que peu à peu. D e même,
lorfque l’odorat 6c le goût ont été affrétés par une
odeur très-forte & par une faveur très - delàgréable,