chancelante que celle d’aucun des animaux, il eft nfalade
plus fouvent & plus long-temps, il périt à tout âge,
au lieu que les animaux femblent parcourir d’un pas
égal & ferme l’efpace de la vie. Cela me paraît venir
de deux caufes, qui, quoique Bien différentes, doivent
toutes deux contribuer à cet effet; la première eft l’agir;
tation de notre ame, elle eft occafionnée par le dérèglement
de notre fens intérieur matériel : les pallions
& les malheurs qu’elles entraînent influent ftir la fànte,
& dérangent les principes qui nous animent ; li l’on
obfervoit les hommes, on verrait que prefque tous
mènent une vie timide ou contentieufe, & que la piuf-
part meurent de chagrin. La fécondé eft l’imperfeétion
de ceux de nos fens qui font relatifs a 1 appétit. Les
animaux fentent bien mieux que nous ce qui convient
à leur nature, ils ne fè trompent pas dans le choix de
leurs alimens, ils ne s’excèdent pas dans leurs plailirs;
guidés par le feul fentiment de leurs befoins aétuels, ils
fe làtisfont fans chercher à en faire naître de nouveaux.
Nous, indépendamment de ce que nous voulons tout
à l ’excès, indépendamment de cette efpèce de fureur
avec laquelle nous cherchons à nous détruire en cherchant
à forcer la nature, nous ne lavons pas trop ce
qui nous convient ou ce qui nous eft nuifible, nous ne
diftinguons pas bien les effets de telle ou telle nourriture
, nous dédaignons les alimens fimples, & nous leur
préférons des mets compofés, parce que nous avons
corrompu notre goût, & que d’un fens de plaiflr nous
OJ!
en avons fait un organe de débauche, qui n’eft flatté
que de ce qui l’irrite.
Il n’eft donc pas étonnant que nous foyons, plus que
les animaux, fujets à des infirmités, puifque nous ne
fentons pas aulfi-bien qu’eux ce qui nous eft bon ou
mauvais, ce qui peut contribuer à conferver ou à détruire
notre fanté; que notre expérience eft à cet égard
bien moins litre que leur fentiment; que d’ailleurs nous
abulbns infiniment plus qu’eux, de ces mêmes fens de
l ’appétit qu’ils ont meilleurs & plus parfaits que nous,
puifque ces fens ne font pour eux que des moyens de
confervation & de fanté, & qu’ils deviennent pour nous
des caufes de deftruélion & de maladies. L ’intempérance
détruit & fait languir plus d’hommes elle feule que tous
les autres fléaux de la nature humaine réunis.
Toutes ces réflexions nous portent à croire que les
animaux ont le fentiment plus fur & plus exquis que
nous ne l’avons ; car quand même on voudrait m’op-
pofer qu’il y a des animaux qu’on empoifonne aifément,
que d’autres s’empoifonnent eux-mêmes, & que par
conféquent ces animaux ne diftinguent pas mieux que
nous ce qui peut leur être contraire; je répondrai toujours
qu’ils ne prennent le poifon qu’avec l’appas dont
il eft enveloppé ou avec la nourriture dont il fe trouve
environné ; que d’ailleurs ce n’eft que quand ils n’ont
point à choifir, quand la faim les preffe, & quand le
befoin devient néceffité, qu’ils dévorent en effet tout
ce qu’ils trouvent ou tout ce qui leur eft préfenté, &
Tome IV . G