encore arrive-t-il que la plilfpart fe lailfent confumer
d’inanition & périr de faim, pluftôt que de prendre des
nourritures qui leur répugnent.
Les animaux ont donc le fentiment, même à lin plus
haut degré que nous ne l’avons; je pourrais le prouver
pncore par i’ulàge qu’ils font de ce fens admirable,
qui feul pourrait leur tenir lieu de tous les autres fens.
La plufpart des animaux ont l’odorat fi parfait, qu’ils
fentent de plus loin qu’ils ne voient, non feulement
ils fentent de très-loin les corps préfens & aétuels,
mais ils en fentent les émanations & les traces longtemps
après qu’ils font abfens & paffés. Un tel fens efl
un organe univerfel de fentiment; c ’eft un Oeil qui voit
les objets, non feulement où ils font, mais même partout
où ils ont été; c ’eft un organe de goût par lequel
l’animal lavoure, non feulement ce qu’il peut toucher
6c fàifir, mais même ce qui eft éloigné & qu’il ne peut
atteindre ; c’eft le fens par lequel il eft le plus tô t , le
plus fouvent 6c le plus furement averti, par lequel il
agit, il fe détermine, par lequel il reconnoît ce qui eft
convenable ou contraire à là nature, par lequel enfin
il aperçoit, fent 6c choifit ce qui peut làtisfaire fon
appétit.
Les animaux ont donc les fens relatifs à l’appétit
plus parfaits que nous ne les avons, & par conféquent
ils ont le fentiment plus exquis 6c à un plus haut degré
que nous ne l’avons ; ils ont aulfi la confcience de leur,
exiftence a étudié, mais ils n’ont pas celle de leur
SUR LA NATURE DES A n/MAUX. 51
exiftencê palfée. Cette fécondé propofitfon mérite,
comme la première, d’être confidérée; je vais tâcher
d’en prouver la vérité.
La confcience dp fon exiftence, ce fentiment intérieur
qui çonftitue le moi, eft compofé chez nous de la
fenlàtion de notre exiftence aéluelie, 6c du fouvenir
de notre exiftence palfée. Çe fouvenir eft une fenfa-
tion tout aulfi prefente que la première, elle nous occupe
même quelquefois plus fortement, 6c nous affrète plus
puiftàmment que les fenlàtions aétuelles ; & comme ces
deux élpèces de fenlàtions font différentes, St que notre
ame a la faculté de les comparer & d’en former des
idées, notre confcience d’exiftence eft d’autant plus
certaine Sc d autant plus étendue, que nous nous repré-
fentons plus fouvent 6c en plus grand nombre les chofes
palfees, & que par nos réflexions nous les comparons
& les combinons davantage entre elles & avec les
chofes prelèntes. Chacun conferve dans foi-même un
certain nombre de fenlàtions relatives aux différentes
exiftences, e’eft-à-dire, aux différens états où l’on s’eft
trouve ; ce nombre de fenfations eft devenu une fuc-
ceffion & a formé une fuite d’idées, par la comparaifon
que notre ame a faite de ces fenlàtions entre elles.
C ’eft dans cette comparaifon de fenlàtions que confifte
l ’idée du temps, 6c même toutes les autres idées ne
font, comme nous l ’avons déjà dit, que des fenlàtions
comparées. Mais cette fuite de nos idées, celte chaîne
de nos exiftences, fe préfente à nous fouvent dans un
Gij