objets fur les fens, ou de la réminifcence d’une impreffion
antérieure.
Pour le faire mieux fentir, confidérons-nous nous-
mêmes, &.analyfons un peu le phyfique de nos aétions,
Lorfqu’un objet nous frappe par quelque fens que ce
lbit, que la fenfation qu’il produit eft agréable, & qu’il
fait naître un defir, ce defir ne peut être que relatif à
quelques-unes de nos qualités & à quelques-Unes dë
nos manières de jouir; nous ne pouvons defirer cet
objet que pour le voir, pour le goûter, pour l’entendre,
pour le fentir, pour le toucher; nous ne le délirons
que pour fàtisfaire plus pleinement le fens avec lequel
nous l’avons aperçû, ou pour fâtisfaire quelques-uns de
nos autres fens en même temps, c ’eft-à-dire, pour rendre
la première fenlation encore pliis agréable, ou pour en
exciter une autre, qui eft une nouvelle manière dé jouir’
de cet objet: car fi dans le moment même que nous
l ’apercevons, nous pouvions en jouir pleinement &
par tous les fens à la fois, nous ne pourrions rien defirer.
Le defir ne vient donc que de ce que nous
fommes mal fitués par rapport à l’objet que nous venons
d apercevoir, nous en femmes trop loin ou trop près :
nous changeons donc naturellement de fituation, parce
qu’en même temps que nous avons aperçû l’objet, nous,
avons aulfi aperçû la diftance ou la proximité qui fait
l ’incommodité de notre fituation, & qui nous empêché
d ’en jouir pleinement. Le mouvement que nous faifons
en conféquence du defir, & le defir lui-même, né
viennent donc que de l ’impreftîon qu’a fait cet objet
fur nos fens.
Que ce foit un objet que nous ayons aperçû par les
yeux & que nous defirions de toucher, s’il eft à notre
portée nous étendons le bras pour l’atteindre, & s’il eft
éloigné nous nous mettons en mouvement pour nous
en approcher. Un homme profondément occupé d’une
Ipéculation ne faifira-t-il pas, s’il a grand faim, le pain
qu’il trouvera fous fa main î il pourra même le porter à
fa bouche & le manger fans s’en apercevoir. Ces mou-
vemens font une fuite néceffaire de la première impref-
fion des objets ; ces mouvemens ne manqueroient jamais
.de fuceéder à cette impreflïon, fi d’autres impreffions
■ qui fe réveillent en même temps ne s’oppofoient fouvent
à cet effet naturel, foit en affoibliffant, foit en détruifimt
i ’aétion de cette première impreflïon.
Un être organifé qui n’a point de fens, une huître,
par exemple, .qui probablement n’a qu’un toucher fort
imparfait, eft donc un être privé, non feulement de
mouvement progreffif, mais même de fentiment & de
toute intelligence, puifque l’un ou l’autre produiroient
également le defir, & fe manifefteroient par le mouvement
extérieur. Je n’affinerai pas que ces êtres privés
de fens foient auffi privés du fentiment même de leur
exiftence, mais au moins peut-on dire qu’ils ne la fen-
tent que très - imparfaitement, puifqu’ils ne peuvent
apercevoir ni fentir l’exiftence des autres êtres.
C ’eft donc l’action des objets fur les fens qui fait
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