efl une nourriture auffl abondante que faine & délicate,
le lait efl l’aliment des enfàns, le beurre l ’afTaifonne-
™ment de la plupart de nos mets, le fromage la nourriture
la plus ordinaire des hahitans de la campagne : que
de pauvres familles font aujourd’hui réduites à vivre
de leur vache ! ces mêmes hommes qui tous les jours,
Sc du matin au fbir, gémiffent dans le travail & font
courbés fur la charrue, ne tirent de la terre que du
pain noir, Sc font obligés de céder à d’autres la fleur,
la fubflance de leur grain, c’efl par eux Sc ce n’ell
pas pour eux que les moiflons font abondantes ; ces
mêmes hommes qui élèvent, qui multiplient le bétail,
qui le foignent & s’en occupent perpétuellement,
n’ofent jouir du fruit de leurs travaux, la chair de ce
bétail efl une nourriture dont ils font forcés de s’interdire
l ’ufage, réduits par la néeeffité de leur condition,
c ’eft-à-dire, par la dureté des autres hommes, à vivre
comme les chevaux, d’orge Sc d’avoine ou de légumes
groffiers, Sc de lait aigre.
On peut auffl faire fervir la vache à la charrue, Sc
quoiqu’elle ne foit pas auffl forte que le boeuf, elle
ne laiffe pas de le remplacer fouvent ; mais lorfqu’on
veut l ’employer à cet ufage il faut avoir attention de
l ’affortir, autant qu’on le peut, avec un boeuf de fà
taille Sc de là forcé, ou avec une autre vache, afin
de conforver l’égalité du trait & de maintenir le foc
en équilibre entre ces deux puiffances ; moins elles
font inégales, & plus le labour de la terre efl facile &
régulier ;
régulier ; au relie on emploie fouvent fix Sc jufqua
huit boeufs dans les terreins fermes, & fur-tout dans
les friches, qui fe lèvent par grades mottes 6c par
quartiers, au lieu que deux vaches fuffifent pour labourer
les terreins meubles & fablonneux; on peut auffl dans
ces terreins légers pouffer à chaque fois le fillon beaucoup
plus loin que dans les terreins forts : les Anciens
avoient borné à une longueur de cent vingt pas la plus
grande étendue du fillon que le boeuf devoit tracer
par une continuité non interrompue d’efforts & de
mouvemens, après quoi, difoient-ils, il faut ceffer de
l ’exciter & le laiffer reprendre haleine pendant quelques
momens avant de pourfuivre le même fillon ou d’en
commencer un autre; mais les Anciens faifoient leurs
délices de l’étude de l’agriculture, Sc mettoient leur
<doire à labourer eux-mêmes, ou du moins à fàvorifer
le laboureur, à épargner la peine du cultivateur & du
boeuf ; & parmi nous ceux qui jouiffent le plus des
biens de cette terre , font ceux qui favent le moins
,eflimer, encourager, foutenir l’art' de la cultiver.
Le taureau fert principalement à la propagation de
l ’efpèce, Sc quoiqu’on puiffe auffl le foumettre au
travail, on efl moins fur de foi) phéiffance, &. il faut
être en garde contre J’ufàge qu’il peut faire de fa force;
la Nature a fait cet animal indocile Sc fier, dans le temps
du rut il devient indomptable, Sc fouvent furieux; mais
par la callration l’on détruit la fource de ces mouve-
jnens impétueux, Sc l’on ne retranche rien a là force,
Tome I V ' LU
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