bien ; chargé de douleur il périroit enfuite par J’abona
dance du mal.
Dans l’homme le plaifir & la douleur phyfiques ne
font que la moindre partie de les peines & de fes plai-
firs, fon imagination qui travaille continuellement fait
tout, ou pluftôt ne fait rien que pour fon malheur; car
elle ne préfente à l’ame que des fantômes vains ou
des images: exagérées, 8i la force à s’en occuper; plus,
agitée par ces iîlufions qu’elle ne le peut être par les
objets réels, l’ame perd fi faculté de' juger, & même
fon empire, elle ne compare que des chimères, elle
ne veut plus qu’en lècond, & louvent elle veut l ’im-
polfible ; là volonté qu’elle ne détermine plus lui
devient donc à charge, lès delîrs outrés font des.
peines, 8c fes vaines elpérances font tout au plus de
faux plaifirs qui dilparoiffent- 8c s’évanouiffent dès que
ie calme fuccède, & que l’ame reprenant là place vient,
à les juger,.
Nous nous préparons donc des peines toutes les fois,
que nous cherchons des plaifirs; nous fommes malheureux
dès que nous délirons d’être plus heureux. L e
bonheur ell au dedans de nous-mêmes, il nous a-été
donné; le malheur efl au dehors & nous l ’allons chercher.
Pourquoi ne Ibmmes-nous pas convaincus que la
jouiffance paifible de notre ame ell notre feul & vrai,
bien, que nous-ne pouvons,l’augmenter-làns rilquer de
le perdre, que moins nous defirons & plus nous poiré-
dons; qu’enfin tout ce. que’nous voulons au delà de oe.
que la Nature peut nous donner, ell peine, & que rien
tt’ell plaifir que ce qu’elle nous offre..
Or la Nature nous a donné & nous offre encore à
tout inllant des plaifirs làns nombre; elle a pourvu à nos
befoins, elle nous a munis contre la douleur; il y a
dans le phylique infiniment plus de bien que de mal;
ce n’elt donc pas la réalité, c ’ell la chimère qu’il S ué
craindre; ce n’elt, ni la douleur du corps, ni les maladies,
ni la mort, mais l’agitation de l’ame, les paffions-
8c l ’ennui qui font à redouter.
Les animaux n’ont qu’un moyen d’avoir du plaifir,
c ’ell d’exercer, leur fentiment pour fatisfàire leur appétit;
nous avons cette même faculté, & nous avons de plus
un autre moyen de plaifir, c ’ell d’exercer notre eljarit,
dont l’appétit ell de làvoir. Cette fource de plaifirs
fèroit la: plus abondante & la plus pure, fi nos pallions,
en s’oppofant à fon cours, ne venoient à la troubler.,
elles détournent lame de toute contemplation ; dès
qu’elles ont pris le deffus, la raifon ell dans le filence,
ou du moins elle n’élève plus qu’une, voix, faible <&> fou-
vent importune, le dégoût de la vérité fuit, le charme
de l’illufion augmente, l’erreur fe fortifie, nous entraîne
8c nous conduit au malheur : car quel malheur plus grand
que de ne plus rien voir tel qu’il ell, de ne plus rien
juger que relativement à là palîïon, de n’agit que par-
Ion ordre,, de paroître en conféquence injulle ou ridicule
aux autres, & d’être forcé de fe méprifer loi-même-’
lorfqu’on vient à s’examiner!
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