au contraire convenu que toute paflion eft une émotion
de lame! doit-on par conféquent chercher ailleurs que
dans ce principe fpirituel les germes de l’orgueil, de
l ’envie, de l’ambition, de l’avarice & de toutes lespaf-
fions qui nous commandent!
Je ne fais, mais il mefemble que tout ce qui commande
à l’ame eft hors d’elle, il me femble que le
principe de la connoiffance n’eft point celui du fenti-
ment, il me femblç que le germe de nos pallions eft
dans nos appétits, que les iliufions viennent de nos
fens & réfident dans notre fens intérieur matériel, que
d ’abord lame n’y a de part que par fon filence, que
quand elle s’y prête elle eft fubjuguée, & pervertie
lorfqu’elle s’y complaît.
Diftinguons donc dans les paflions de l ’homme le
phylique & le moral, l’un eft la caufe, l ’autre l’effet;
la première émotion eft dans le fens intérieur matériel,
l ’ame peut la recevoir, mais elle ne la produit pas: diftinguons
auflï les mouvemens inftantanés des mouve-
mens durables, & nous verrons d’abord que la peur,
l ’horreur, la colère, l ’amour, ou pluftôt le defir de
jouir, font des fentimens qui, quoique durables, ne
dépendent que de l ’impre/fion des objets fiir nos fens,
combinée avec les impreflïons fubfiftantes de nos fen-
làtions antérieures, & que par conféquent ces partions
doivent nous être communes avec les animaux. Je dis
que les impreiïions aétuelles des objets font combinées
avec les impreiïions fùbfiftantes de nos fenfàtions
SUR LA NATURE DES ANIMAUX. 79
antérieures, parce que rien n’eft horrible, rien n’eft
effrayant, rien n’eft attrayant pour un homme ou pour
un animal qui voit pour la première fois : on peut en
faire l’épreuve fur de jeunes animaux ; j’en ai vu fe
jeter au feu la première fois qu’on les y préfentoit : ils
n acquièrent de l’expérience que par des aétes réitérés,,
dont les impreflïons fubfiftent dans leur fens intérieur;
& quoique leur expérience ne foit point raifonnée, elle
n en eft pas moins fure, elle n’en eft même que plus
circonfpeéfe ; car un grand bruit, un mouvement violent,
une figure extraordinaire, qui fe préfente ou fe fait
entendre fiibitement & pour la première fois, produit
dans 1 animal une fecouffe dont l’effet eft femblable aux
premiers mouvemens de la peur, mais ce fentiment
n eft qu inftantane ; comme il ne peut fe combiner
avec aucune fenfation précédente, il ne peut donner à 1 animal qu un ébranlement momentané, & non pas
une émotion durable, telle que la fuppofe la pafïïon de
la peur.
Un jeune animal, tranquille habitant des- forêts, qui
tout à coup entend le fon éclatant d’un cors, ou le bruit
fubit & nouveau d’une arme à feu, treflaillit, bondit, &
fuit par la feule violence de la fècoufle qu’il vient
d’éprouver.. Cependant fi ce bruit eft fans effet, s’il
c elle, 1 animal reconnoît d’abord le filence ordinaire
de la Nature, il fe calme, sarrête, & regagne à pas
égaux fa paifible retraite. Mais l’âge & l’expérience le
rendront bien-tôt circonfpeél & timide, dès qu’à.