« ont enfermés dans une prison, où, sans
« aucun molif, ils les ont fait languir comme
« des criminels. Ces infortunés supplient
« qu on tire une vengeance éclatante de cette
« nation perfide. » Le Japonois m’ayant demandé
ce que cela signifioit, je lui répondis
que c’étoit une chanson russe, et qu’il devoit
la bien garder pour la montrer aux Russes
qui pourroient venir .en ce lieu. Il porta aussitôt
ma composition à M. Chlebnikoff qui ne
savoit pas d’abord comment se tirer d’affaire;
heureusement qu’il lui vint la même idée
qu’à moi; c’est, dit-il, une chanson bien difficile,
à traduire. Il sortit ainsi d’embarras.
Le z 5 août, Otaki Koëki, qui ne venoit
que rarement et toujours avec quelque chose
d’extraordinaire, arriva avec une grande suite,
et fitétendre des nattes dans le corridor devant
ma chambre. J’attendois avec impatience ce
qui alloit résulter de ces préparatifs; enfin,
quatre hommes parurent, portant sur leurs
épaulés mon coffre que j’avois laissé dans la
chambre de la corvette, la valise de M. Moor,
celle de M Chlebnikoff, et encore quelques
paquets.. Cette vue m’accabla. Comment ces
objets sont-ils tombés, au pouvoir des Japonois?
Se seroient-ils emparés d e là Diane?
Ce bâtiment n’auroit-il pas échoué sur leurs
côtes? Telles étoient les douloureuses réflexions
qui me passoient par la tête. Je ne
pus répondre qu’avec beaucoup de peine, et
en mots entrecoupés, aux questions qu’ils
m’adressèrent pour savoir à quiappartenoient
ces objets. Enfin , nous apprîmes que notre
corvette, avant de quitter Kounaschir, avoit
déposé toutes ces choses à te rre , et les y avoit
laissées. Cette explication me tranquillisa:
C’est bon, me disois-je, mes compagnons vont
aller en Russie, et notre triste sort sera connu
de notre souverain.
Quand les Japonois eurent pris note de ce
qui m’appartenoit, ils allèrent faire les mêmes
questions aux autres prisonniers. Ce qu’ils
avoient apporté consistoit en habits et en
linge que M. Ricord, mon second dans le commandement
, avoit j ugé.à propos de m’envoyer,
et qui, par la suite, nous furent de la plus
grande utilité; pour le moment, les Japonois
ne nous remirent rien.
Ce jour-là sera toujours doublement mémorable
pour moi, d’abord à cause de la
grande surprise et de l’extrême terreur que
la vue de nos effets m’occasionna dans le premier
moment ; ensuite parce q u e , faute de