leurs sept, compatriotes qui s’étoient sauvés
sur les côtes du Kamtschatka. Nous leur fîmes
connoître l’époque et le lieu du naufrage de
leur navire, le nombre d’hommes qui avoient
échappé à . la mort, ajoutant qu’à notre départ,
ils se trouvoient à- Nischny-Kamt-
schatsk. M. Moor les y avoit vus, mais il ne
Voulut pas le dire, de crainte d’être accablé
de questions interminables.
Cet interrogatoire dura jusqu’à midi. Dès
qu’il fut achevé, l ’on nous mena dans la
cour, où nous restâmes long-temps à boire
du thé et à fumer. L ’interprète Koumaddjero
ne fit, durant cet intervalle, qu’entrer et sortir.
Il nous demandoit des mots russes, les
ëcrivoit et s’en alloit. On nous reconduisit ensuite
dans la salle. Un des officiers, vieillardde
soixante-dix ans, qui, dès le temps de Lax-
mann, avoit été employé à la rédaction d’un
dictionnaire russe, déroula un gros cahier
de papier tout couvert de caractères japonois,
et se mit à lire d’un ton chantant. Nous ne
pûmes rien comprendre aux dix ou vingt
premiers mots; mais ensuite nous remarquâmes
qu’il croyoit lire du russe; et, d’après
ce que nous firent juger quelques mots
isolés, ce devoit être une traduction russe
du récit de notre 'affaire.' Nous ne pûmes
nous empêcher de rire , et nous dîmes aux
Japonois que nous n’entendions de tout cela
que quelques mots détachés; alors ils commencèrent
fous, et le traducteur lui-même,
à rire à gorge déployée; el le papier fut mis
de côté. Le commandant en chef prit congé
de nous, et nous quittâmes le château.
Les Japonois devenoient toujours plus affables
envers nous, notamment ceux qui nous
gardoient. Us permirent plusieurs fois à
M. Moor de sortir de sa loge, de se chauffer
au feu allumé dans le corridor ( i), et de s’approcher
des barreaüx de ma cage ; ce qui
donnoit la facilité de parler de beaucoup de
choses dont nôus n’osions" pas nous entretenir
à vo ix hante, parce qu’il pou voit se
trouver parmi les gardes des hommes qui
eussent été en Russie, et comprissent notre
langue. - Notre nourriture n’étoit pourtant pas
meilleure, quoiqu’il nous arrivât assez souvent
de la reiuser. Un jour M. Moor vou lu t
( l) Vers la fin daoût il Faisoit assez froid le matin et
le soir. Comme M. Moor se senloit indisposé et se.plai-
gnoit du froid , les Japonois allumoient, le matin et le
soir, dans le corridor devant sa loge, du feu sur uu âtre
mobile.
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