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voulu nous cacher. J’étois très-content de.ce
que, sans causer à notre hôte ni confusion ni
crainte, je pou vois, en jasant avec lu i, apprendre
des choses que je désirois savoir, et
qui ne lui faisoient aucun tort; ce qu’il me
disoit de cette manière était plus vrai que
ce que j ’aurois pu tirer de lui par un interrogatoire
en forme; car combien de fois n’arrive
t-il pas que la bouche de l’homme interrogé
, même sous serment, ment à sa conscience
et ne profère pas un mot de vérité ?
Faudroit-il donc s’étonner de ce qu’un Kourile
ignorant et à moitié sauvage n’eû t, en
pareil cas, répondu que des mensonges? Je ne
le questionnois donc que sur des choses ordinaires,
pou ravoir un sujet de conversation.
A plusieurs reprises j’appris de lui que, jusr
qu’à l ’attaque-des deux vaisseaux de la compagnie
russe contre les Japonois, les Kouriles
avoient eu avec ceux-ci des relations de
commerce habituelles et régulières, comme
si elles eussent été fondées sur des traités, et
conduites avec un ordre et une probité qui
.ne résultent pas toujours de ces sortes de conventions.
Les Kouriles portoient au Japonois
des peaux de loutre marine et de phoque r
des aigles et des queues d’aigle, et quelquefois
aussi des queues de renard, mais celles-ci
ne se vendoient pas à un prix avantageux; ils
recevoient, en échange du riz, des toiles de coton
, des vêtemens, et notamment de grandes
robes, des draps, du tabac , des pipes, des
meubles et des ustensiles en laque,et d’autres
bagatelles. Les Japonois vendent le riz en
grands et petits sacs; il en faut trois petits
pour un grand; le poids de celui-ci étoit,
selon les Kouriles , si considérable, qu’un
homme ayoit de la peine à le soulever; on
peut par conséquent l ’évaluer à quatre pouds.
L ’échange des marchandises se faisoit d’accord
entre les deux parties, sans aucun pré^-
judice pour l’une ou pour l’autre, Les prix
étqient presque toujours les mêmes. Voici ce
que les Japonois donnoient ordinairement aux
Kouriles : pour une peau de loutre marine
bien entière, dix grands sacs de riz (1) ; pour
une peau de phoque, dix petits sacs ; pour dix
( i) En ne calculant le sac qu’à trois pouds, les Kouriles
reçoivent trente pouds deriz pour une peau de loutre. La
compagnie d’Amérique vendit au Kamtschalka, en notre
presence, a seize roubles le poud, le riz enlevé aux
Japonois. Elle n’évalue la peau de loutre qu’à cinquante
roubles-, les Kourilesn’auroieiit donc reçu d’elle qu’un
peu plus de trois pouds de riz; par peau.