«c racontée. » Il s’exprimoit avec une force,
un sentiment et une éloquence qui lui étôient
si peu naturels, que nous ne pouvions plus
douter qu’il ne nous dît la vérité. NôUs le
louâmes de cette résolution qui faisoit honneur
èf la droiture et à la bonté de son coeur, l’assurant
en même temps qu’en Russie il ne se-
roit pas puni d’un mensonge auquel ses compagnons
l’avoient excité; mais lui disant
aussi que nous doutions beaucoup que les
Japonois voulussent le croire, et que nous
appréhendions q u’ils ne vinssent à s’imaginer
que nous lui avions persuadé de rétracter
ses dépositions précédentes: « Il vaut donc
« mieux,ajoutâmes-nous ^considérer d’abord
« mûrement comment il faut se conduire
« dans toute cette affaire; càt les Japonois
« peuvent demander pourquoi vous ne nous
« avez pas découvert cette imposture quand
« vous étiez avec nous sur la corvette, ou
« aussitôt après notre enlèvement. »—« Gela
tt ne m’inquiète pas, reprit Alexis d’un ton
« extrêmement résolu; que les Japonois me
« croient ou ne me croient pas, peu m’im-
« porte, pourvu que je sois justifié devant
« Dieu! Je dirai la vérité, voilà tout; ils
cî peuvent me tu e r , mais mourir pour la vé-
( a 8 9 )
« r ité , n’est pas honteux. » En disant ces
mots, les larmes lui couloient des yeux. Son
discours nous toucha si vivement, que nous
songeâmes aux moyens de découvrir le mensonge
aux Japonois, sans qu’il en résultât rien
de fâcheux pour A le x is , mais nous ne trouvâmes
aucun expédient.
A cette occasion, il révéla toute l ’imposture
à Koumaddjero, et lui déclara que les
Kouriles, bien loin d’avoir été envoyés par
les Russes, étoient venus de leur plein gré
à Itouroup pour commercer. Koumaddjero,
étonné du discours d’A lex is , le traita de
fou et d’insensé; Alexis lui répliqua qu’il
n’étoit ni l’un ni l ’autre , qu’il disoit la
vérité, et qu’il étoit prêt à mourir pour la
soutenir. Nous ignorons si Koumaddjero rap-
pqrta sur-lé-champ à ses supérieurs la déclaration
d’Alexis; mais, lorsque l ’on nous conduisit
de nouveau au château, où le gouverneur
lui-même ou bien les autres magistrats
examinèrent la traduction, Alexis s’exprima
avec la même franchise et la même présence
d’esprit lorsqu’il fut question du mensonge
des Kouriles. Tous les Japonois, surpris de ce
qu’il s’accusoit lui-même, lui dirent qu’il
avoit perdu la raison; ils croyoient proba-
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