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blement que, cédant à nos suggestions, il
avoit inventé cet aveu, et par conséquent
qu’il ne débitoit qu’un mensonge.
Mais la fermeté avec laquelle il persista
dans cette déclaration, engagea les Japonois à
le faire venir plusieurs fois tout seul. Nous
éprouvions une crainte extrême qu’ils ne
vinssent à bout de lu i arracher un désaveu
de sa dernière confession, et la confirmation
de la première; c’est pourquoi nous tâchions,
à son retour du château, de connoître à sa
physionomie ce qui se passoit dans son intérieur.
Comme il nous étoit assez souvent
permis d’abandonner notre cage, pour nous
chauffer auprès du feu et nous promener
dans le corridor, nous chargeâmes secrètement
les matelots de chercher à découvrir sur
quoi on l’avoit interrogé et quelles avoiènt
été ses réponses; nous leur dîmes que s’il leur
communiquoit quelque chose d’agréable, ils
toussassent à plusieurs reprises, et que, dans
le cas contraire, ifs gardassent le silence. A
notre satisfaetion infinie,nous entendîmes les
matelots tousser tous l^s soirs, comme s’ils
eussent eu un gros rhume. Cependant,lorsque
nous parvenions à leur parler en particulier,
ils nous témoignoient leu r défiance extrême
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pour A lex is ; ils croyoient qu’il nous jouoit
et qu’il disoit aux Japonois des choses toutes
différentes de ce qu’il nous rapportoit. Ils ci-
toient pour preuve ses efforts pour connoître
les motifs de notre campagne dans l’archipel
des Kouriles, et le conseil qu’il leur donnoit
de révéler aux Japonois tout ce qu’ils sa voient
de nos projets. Nous pensions au contraire,
tous les trois, qu’Alexis agissoitfranchement,
et étoit déterminé à faire paroitre la vérité
au grand jour, quelque chose qui pût arriver.
Quand les Japonois eurent achevé d’interroger
Alexis sur les choses qu’ils regardoient
comme nécessaires, nous fûmes de nouveau
conduits chez le gouverneur. Il commença
par demander si réellement les Russes n’a-
voient pas envoyé les Kouriles dans une île
soumise aux Japonois, et dans quel temps
Alexis nous avoit avoué que les Japonois
avoient été trompés par les Kouriles? Nos
réponses ne furent pas entièrement d’accord
avec les siennes. Alexis n’avoit pas compris ce
dont nous étions convenus, et pat conséquent
n’avoit pas dit ce qu’il'falloit. Les Japanois
éclatèrent de rire. Nous ne compr mes pas ce
qu’ils se disoient entre e u x , mais il nous
sembla qu’ils soupçonnoient que nous avions,