par châtiment. Nous pouvions donc appeler
notre logement, une prison du grand genre.
Teské apprit promptement à lire, et ne
tarda pas à écrire dans son vocabulaire, avec
des lettres russes, les mots qu’il nous enten-
doit prononcer, idée qui n’étoit jamais venue
à Koumaddjero. Teské comprenoit plus de
choses en deux jours, que Koumaddjero en un
mois. Quand il apprenoit de nous des détails
sur la Russie et d’autres contrées de l’Europe»
il les écrivoit en japonois, puis inséroit
chaque mot dans son vocabulaire avec ses
remarques; il nous interrogeoit aussi sur la
vérité des rapports de plusieurs de ses compatriotes
qui ayoient été en Russie. Cela don-
noit lieu à d’autres demandes qu’il faisoit de
lui-même.
Comme il nous fut permis, à cette époque,
d’avoir de l’encre et du papier, et d’écrire ce
que nous voulions, nous recueillîmes des
mots japonois; mais nous nous abstinmes de
confier nos observations au papier, parce que
nous supposions qu’un jour les Japonois pour-
roient bien nous enlever toutes ces notes.
Quelques jours après que nous eûmes fait
connoissançe, Teské uous amena son jeune
frère âgé de quatorze ans, et nous dit que le
gouverneur désiroit que nous lui apprissions
aussi le russe. « Votre gouverneur peut sou-
« haiter bien des choses, répondîmes-nous de
« mauvaise humeur, mais nous ne sommes
cc pas disposés à complaire à tous ses désirs,
cc Nous avons déclaré déjà que nous aime—
« rions mieux mourir que de rester au Japon,
« surtout comme instituteurs. Nous voyons
« clairement aujourd’hui à quoi tendent
« toutes les prévenances etles assurances dont
« nous avons été les dupes. Vous nous avez
cc dit que la loi exigeoit un second interprète
c< pour la traduction de notre mémoire; nous
cc avons consenti à donner des leçons à ce
cc second personnage, et aujourd’hui il faut
cc encore instruire un jeune homme; de cet te
cc manière nous aurions bientôt une école
cc toute entière autour de nous; non, non, il
cc n’en sera rien. Nous sommes en petitnombre,
cc nous sommes désarmés, on peut nous tuer;
« mais nous ne voulons pas être maîtres
« d’école.» Cette réponse irrita extrêmement
Teské, qui étoit d’un caractère emporté; il
entra dans une colère terrible, se m it, contre
la coutume des Japonois, à parler très-haut,
et menaça même qu’on nous contraindroit à
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