leurs étoit bien plus considérable, probablement
parce que les occupations de la journée
étoient terminées. En rentrant dans nosprisoris
nous fûmes répartis comme auparavant; l’on
nous donna,de la part du commandant en chef,
une robe de chambre d’été , de coton, à chacun
, et l’on nous régala de saki. Durant notre
absence, les Japonois avoient réuni mon corridor
à celui de M. Moor , et avoient arrangé
au milieu un espace pour la garde , qui pou-
voit voir à la fois des deux côtés, à travers les
barreaux, ce qui se passoit chez lui et chez
moi. Cette disposition déjouoit tous les projets
de fu ite , mais d’un autre côté nous avions
l ’avantage de pouVoir mieux nous entendre.
Je ne partais pas directement à M. Moor; en
apparence, je m’adressois à mon compagnon
Makaroff; M. Moor en usoit de même à l’égard
de Schkaieff. Ces singulières conversations
ne durèrent pourtant que peu de jours.
Nous saisîmes une occasion de demander au
commandant en second si nous pouvions
causer ensemble d’une chambre à l ’autre.
« Parlez comme il vous plaira, répondit-il,
ce et aussi haut qu’il vous fera plaisir. » D’après
celte déclaration, nous pûmes nousparler
en toute liberté; mais nous nous gardâmes
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bien de rien dire au désavantage des Japonois,
de crainte qu’il ne se trouvât près de nous
des espions qui entendissent le russe. Nous
nous abstinmes aussi, par la même raison,
de converser dans une langue étrangère, parce
que les Japonois n’auroient pas manqué de le
rapporter à leurs chefs ; ce q u i, chez un peuple
ombrageux, auroit fait concevoir de nouveaux
soupçons contre nous.'
Depuis notre première audience chez le
commandant en ch e f, il se passa dix-huit
jours sans qu’il nous fît appeler devant lui, ni
annoncer ce que nous deviendrions. Quand
nous adressions aux Japonois des questions
à Ce sujet, ils répondoient qu’ils n’en savoient
rien. Au reste , durant ce temps, les officiers
de la ville venoient chacun à leur tour nous
voir avec le médecin et l’interprète , s’infor-
moient de nos santés , et si nous n’avions pas
besoin de quelque chose. Malgré toutes ces
attentions, ils nous nourrissoient très-mal,
11e nous servant guère qu’une soupe aux
raves bien maigre. M. Moor éprouva des douleurs
dans la poitrine ; le médecin lui pres^-
crivit aussitôt en boisson une décoction de
racines et de plantes ; mais n’ordonna rien
quant au régime à suivre , lui conseillant de
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