une grande plaine le long d’an ravin profond.
Il nous étoit facile de traverser le cimetière
aussi vite que nous l’eussions vo u lu , car les
Japonois ont de la répugnance à s’approcher de
ces lieux pendant la nuit. En supposantmême
que quelqu’un se fut trouvé dans le voisinage,
il nous eût pris pour des fantômes errans au
milieu des tombeaux, et cette vue l’eût certainement
privé de l’usage de ses sens. Derrière
le cimetière, nous nous trouvions en
plaine campagne; deux verstesplus loin, les
montagnes s’élèvent - nous devions les traverser
pendant trois jours en marchant au
nord, avant d’arriver sur le bord de la m er,
où il falloit chercher l’occasion de nous emparer
d’un navire. L ’autre plan étoit de nous
mettre en liberté par force, dans le cas où,
dans une promenade le long du rivage, nous
apercevrions un navire convenable.
Nous préférâmes ce dernier plan au premier,
parce que le temps que nous passerions
à errer dans les montagnes laisseroit aux Japonois
le loisir d’expédier partout des ordres
de surveiller rigoureusement tous les navires.
Celui que nous adoptions étoit néanmoins
extrêmement incertain, car il falloit attendre
le concours de deux circonstances :
un vent favorable et frais, et un bâtiment
convenable. Le temps et les conjonctures ne
nous permettoient pas de différer long-temps;
nous convînmes pourtant d’attendre quelques
jours , parce qu’il pouvoit se présenter une
occasion d’exécuter le dernier plan.
Cependant nous nous étions munis pour
notre voyage de tout ce que nous avions pu
nous procurer. Dans une de nos promenades,
hors de la v ille , nous avions rencontré un
briquet; un matelot mit aussitôt le pied dessus,
fit semblant de relever ses bas, et le
fourra en cachette dans sa poche. Nous eûmes
aussi l’occasion de nous procurer secrètemfent
de nos domestiques une pierre à fusil. Les
morceaux d’une vieille chemise, que nous
avions par hasard jetée au feu , nous servirent
d’amadou. En outre nous augmentions
journellement notre provision de vivres, que
nous portions toujours à la ceinture ou sous
le bras. Tous ces préparatifs ne concernoient
que notre subsistance, nous en fîmes aussi
pour notre défense. Nous trouvâmes, au milieu
de l ’herbe, dans notre cour, un grand
ciseau que les charpentiers avoient probablement
oublié; il fut aussitôt caché, et nous
décidâmes de profiter de la première occasion