nourriture à Matsmaï étoit infiniment meilleure
qu’à Chakodadè. Le riz et les raves salées
nous tenoient lieu, comme aux Japonois,
de pain et de sel; on nous doUnoil, en outre,
d’excellent poisson frais et salé, frit et bouilli,
des soupes faites avec différentes herbes sauvages
ou avec des pâtes; souvent on nous
préparoit une soupe russe au poisson, ou
bien une sauce au poisson, et un bouillon de
moules. Les poissons étoient frits dans de
l ’huile de pavot, assaisonnés avec des raves
râpées et du soya. Quand il neigea, on alla
exprès pour nous à la chasse des phoques,
des ours et des lièvres. Les Japonois regardent
la chair des baleines et des grands phoques
comme un excellent manger. Nos domestiques
ayant été en Russie , 011 leur ordonna
d’apprêter nos mets à notre goût. Ils
nous faisoient quelquefois, avec de la farine
d’orge et du poisson, de petites tourtes qui
avoient assez bon goût. Ils nous préparoient
aussi un gruau léger; c’étoient les seuls mets
russes qui leur fussent connus. J’ai déjà dit
qu’on nous donnoit à manger trois fois par
jour. Pour boisson l’on nous servoit du thé
chaud et même bouillant ; quand nous allions
au château, nous avions chacun deux tasses
à thé de saki chaud. Qn nous en versoit aussi
* lorsque le temps étoit plus froid qu’à l ’ordinaire,
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Comme nous vivions presque au grand air,
et que la température devint froide, les Japonois
donnèrent à chaque matelot une grande
, robe de chambre, et ensuite à chacun d’eu x
et à nous, deux peaux d’ours. Ayant appris
- que les Russes n’aimoient pas à dormir sur le
plancher, ils nous firent faire des bancs pour
nous coucher; les matelots eurent de même
un banc pour s’asseoir. Mais les attentions
des Japonois allèrent encore plus loin; nous
leur dîmes que le lieu destiné à satisfaire certains
besoins étoit disposé chez nous autre ment
que chez eu x ; ils le firent aussitôt changer,
ce qui le rendit assez semblable aux nôtres et
commode. Ces soins , jusque dans les plus petites
choses, ne s’accordoient guère avec
notre dure captivité , et nous sembloient
réellement étranges.
Outre les officiers de service auprès de
nous, qui venoient tour à tour nous visiter
chaque jou r, il y en avoit aussi un chargé
spécialement du soin de notre nourriture. La
conduite affectueuse des Japonois nous enhardit
à demander à un officier s’il ne seroit
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