mon affliction. Pour la première fois, depuis
que j’étois à Chakodade, je mangeai quelque
chose le soir, quoique notre nourriture fû t,
sans comparaison, plus mauvaise que dans
notre voyage. Il est bon d’observer que, dans
les premiers temps de notre séjour dans cette
v ille , nous fumes très-mal nourris. On nous
servoit ordinairement du riz, un potage d’eau
chaude avec des raves râpées, sans autres végétaux,
une poignée de poireaux hachés très-
menus ou des fèves; on bien, au lieu de poireaux
et de fèves, deux concombres ou des
raves salées; on nous donnoit, mais plus rarement
, une espèce de pâte faite avec de la
farine de fèves et de la morue sèche gâtée,
ou bien de l’huile de haleine au lieu de soupe
aux raves. Deux fois en cinquante jours nous
eûmes chacun la moitié d’une limande aveu
du soya {ou souï). Nos repas avoient lieu le
matin à huit heures, à midi et à quatre heures
du soir. Pour boisson l’on nous donnoit de
l ’eau chaude, et assez fréquemment du mauvais
thé sans sucre. Dans la soirée, on nous
apporta deux traversins rembourrés de graines
de chanvre et recouverts de toile de colon.
Le 10 août, dans la matinée, l’interprète
Roumaddjero me dit que le commandant de
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la ville désiroit nous voir aujourd’h u i, et que
nous lui serions présentés dans l’après-midi.
A l’heure fixée, on nous conduisit l’un après
l’autre dans la cou.P;,on nous passa à chacun
autour du corps une corde, dont un Japonois
tenoit le bout ; nous eûmes, d’ailleurs, les
mains libres. Dans la cour on nous fit ranger
en ligne. L ’officier envoyé au-devant de nons
employa un quart d’heure à disposer l’ordre
de notre marche, qui eut lieu de la manière
suivante : deux vieillards habillés à l’ordinaire,
et portant de gros bâtons, à l’extrémité
desquels étoient de petites haches en forme
de lancettes , ail oient en avant ; derrière
éux marchoient trois soldats du prince de
Nambou avec des sabres a la ceinture; je les
suivois, ayant à côté de moi un soldat impérial,
et derrière moi l’homme qui tenoit le
bout de la corde. Ensuite venoient MM. Moor
et Cblebnikoff, les matelots et A lex is , tous
dans le même ordre; trois soldats de Nambou
fermoient la marche.
On nous conduisit très-lentement par une
longue rue qui traversoit presque toute la
ville. Les maisons étoient remplies de spectateurs.
Nous remarquâmes, pour la première
fois, qu’il y avoit une boutique à