tout à î ’entour, d’une étoffe blanche à larges
raies noires ou bleu-foncé, de sorte que l’on
ne pouvoit voir ni les murs ni les palissades.
En quelques endroits étoient placés des espèces
d’écussons sur lesquels on avoit peint
des embrasures, mais si grossièrement faites ,
que de loin même il- n’étoit pas possible de
les prendre pour de vraies batteries. Nous
découvrîmes dans l’intérieur du fort quelques
maisons qui étoient sur un terrain en pente,
et depassoient la hauteur du mur. On distin-
guoit au milieu de ces maisons, celle du
commandant à une quantité de pavillons et
de banderoles; on en voyoitaussià plusieurs
maisons de la v ille , mais elles n’étoient pas
en si grand nombre. Alexis ne put pas nous
dire pourquoi on les avoit ainsi ornées; il
ajouta pourtant que_c’étoit l ’usage quand il
entroit dans le port un navire étranger ou
une personne de distinction.
Je fis mouiller la corvette à peu près à
deuxverstes de distance du fort, et je m’embarquai
dans la chaloupe avec l ’aide-sturmann
Grednoï et quatre matelots. Les Japonois
nous laissèrent approcher à quarante toises
du rivage; tout - à - coup ils tirèrent sur
nous de différens points, â boulets. Nous vi-
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râmes de bord aussitôt; et, comme on le
croira aisément,, nous fîmes force de rames
pour nous éloigner. Les premiers coups au-
roient pu nous faire beaucoup de mal , car
nous entendîmes les boulets siffler tout près
de nos oreilles ; mais ensuite le feu se ralent
i t , et d ailleurs il étoit mal dirigé (i). Quand,
les premiers coups partirent, le capitaine-
lieutenant Ricord, qui etoit le plus ancien
de mes officiers, envoya aussitôt à notre secours
tous les canots armés : heureusement
nous n’en avions pas besoin r car il h’étoit
pas tombé un seul boulet dans notre chaloupe.
Quoique je fusse hors de la portée
du canon, les Japonois continuèrent cependant
à tirer , et ne cessèrent que lorsque je
fus remonté sur la corvette. Leur conduite
incivile m’aigrit extrêmement : il n’appartient
qu a des barbares , me disois-je, d’en agir de
la sorte ; laisser approcher un canot où il n’y
a que sept hommes, puis tirer tout-à-coup,
de sorte qu’un seul boulet auroit pu le couler
a fond ! je me crus d’abord autorisé à me
venger : je donnai ordre de diriger les canons
(i) La poudre des Japonois doit être Irès-mauvaise,
car elle donne une fumée extraordinairement épaisse et
noire. Tom. I. 5