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vers. Que faire ? Nous délibérâmes. Les côtes
de Matsmaï sont parsemées de villages; tout
le long de ses rivages il se trouve des navires
et des bateaux. Nous ne pensions pas que ces
embarcations fussent gardées partoutavec une
vigilance extrême; au reste, nous dîmes-nous,
quand même il en seroit ainsi, la fortune
aide les audacieux, et à la violence il faut répondre
par la violence. Il fut décidé que nous
nous enfuirions dans les montagnes.
Le 20 a v r il, on nous mena promener hors
de la ville. Nous proposâmes aux Japonois,
comme par curiosité, de nous conduire à une
pagode, qui, après un incendie, avoit été
reconstruite à neuf, et qui étoit près du cimetière.
Sous ce prétexte, nous eûmes l’occasion
de bien observer tous les sentiers que
nous devions suivre dans notre fuite. Cette
demande n’avoit rien d’extraordinaire. Souvent,
dans nos promenades, les Japonois nous
faisoient voir leurs temples et leurs chapelles,
et nous laissoient tout examiner sans le
moindre obstacle. Ils sont, sous ce rapport,
bien moins superstitieux que plusieurs nations
d’Europe, qui refusent aux étrangers l ’entrée
de leurs sanctuaires. Quand nous avions tout
regardé, nous nous asseyions à la porte du
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temple, on nous donnoit du thé et du saki,
et nous fumions. A u premier coup d’oeil,
l ’intérieur de leurs temples ressemble aux
églises catholiques ; on y voit de même un
grand nombre de tableaux et de statues, des
lustres de toutes les grosseurs et des cierges*
Nous ramassâmes dans la campagne tant de
poireau et d’ail sauvage, que M. Moor ne
put pas soupçonner que nous songions à
quitter bientôt sa compagnie. Comme ces deux
végétaux entroient dans nos repas,nousavions
toujours soin d’en cueillir dans nos promenades,
afin d’en éviter la peine à nos domestiques
qui avoient trop de besogne. Les Japonois
mangent le poireau sauvage quand il
est jeune; mais ils nefont pas usage de l’ail, et
pourtant il leur seroit très-salutaire ; car les
maladies scorbutiques sont très-communes
parmi eu x , et en précipitent un grand nombre
dans le tombeau.
De retour à noire maison, nous feignîmes
d’être excessivement fatigués, et nous nous
couchâmes. Quand le jour baissa, lesmatelots
prirent en cachette deux couteaux dans la
cuisine. Une demi-heure avant la nuit, Sima-
noff et Schkaïeff se glissèrent dans la cour, et
se cachèrent sous l’escalier. Quand minuit eut