si haut degré, et par conséquent feindre
d’éprouver une compassion réelle, comme
nous l ’avions vu peinte sur la physionomie'
des Japonois. D’un autre côté, la perfidie
qu’ils avoient employée pour nous arrêter
avoit cruellement contribué à confirmer ce
que nous avions lu précédemment sur le caractère
*des peuples de l’O rient, et notamment
des Japonois; c’est que chez eux le mendiant
le plus abject ne le cède pas au plus délié des
courtisans européens, dans l ’art de tromper
et de se contrefaire. Nous étions souvent tourmentés
de l’idée que les Japonois, gens fins
et prévoyans, ne pressentissent l’avantage qui
résulterait pour e u x , si, nous résignant à
notre sort, nous nous établissions pour toujours
dans leur pays. Ils ne nous consoloient,
peut-être, avec des espérances vaines, que
par la crainte que , dans notre désespoir,
nous ne prissions le parti de nous ôter la vie,
et de leur enlever ainsi l ’utilité dont nous
pourrions être pour leur empire, en employant
a son service nos connoissances dans
les sciences de l’Europe.
Le lendemain 3 octobre, on nous reconduisit
au château , et l ’on observa l’ordre habituel.
Le bounio ne nous adressa que peu
de questions concernant notre affaire ; mais
en revanche il nous en fit beaucoup sur les
moeurs et les usages de l’Europe, et de plus
nous demanda si l’on éprouvôit en Russie
des tempêtes aussi furieuses que celles de la
nuit précédente; nous répondîmes' qu’en
quelques endroits elles étoient encore plus
violentes; mais, reprit le bounio, ce n’étoit
pas une des plus fortes : dans l ’île de
Niphon, elles sont plus impétueuses et plus
fréquentes. Ce gouverneur cherchoit surtout
à donner à cet interrogatoire l’apparence d’un
entretien amical, et, au bout de deuxheures,
nous permit d’aller nous reposer.
Nous entrâmes dans une grande cour, et
nous nous assîmes dans un pavillon de plaisance,
où les japonois, par ordre du gouverneur,
nous régalèrent de thé et de sucre. Il n’est
pas permis de fumer dans la cour du château,
dans lequel réside le bounio; c’est pourquoi
nos gardes allèrent successivement dans la
cour et dans les corps-de-garde pour y fumer.
Kouraaddjero, acoompagné d’un tailleur, vint
nous trouver pour nous annoncer que le
gouverneur avoit ordonné de faire des habits
pour nous,à la japonoise ouàlàrusse,<;omme
nous le souhaiterions;si nous préférions cett?\