nous séparoit d’eux ne se fennoit que la nuit:
le jou r, ces soldats étoient fréquemment avec
nous; et, dans les commencemens, ils vinrent
plusieurs fois chez nous pendant la nuit.
Derrière ces corps-de-garde et dans le même
corps de logis, se trouvoient des chambres
pour les domestiques, ainsi que les cuisines,
et les chambres aux provisions. Autour delà
moitié que nous occupions, régnoit une galerie
d’où nous pouvions apercevoir, dans
la direction du nord, la forteresse et les montagnes
de Matsmaï ; au sud, nos regards se
portoient sur le détroit de Sangar, la côte du
Japon située v is -à -v is , et les mâts de quelques
bàtimens mouillés près du rivage. A travers
les fentes de la palissade, nous apercevions
ces mêmes navires et une partie de la ville.
Elle est située sur une grande baie ouverte,
et n’a pas, à proprement parler, de port. Les
navires mouillent tout près de terre, derrière
des tas de pierres qui les préservent de
la lame du large. En quelques endroits, la
profondeur de l’eau à mer basse est, au dire
des Japonois, de quatre brasses (vingt pieds),
et seroit par conséquent suffisante pour les
gros navires marchands européens.
Notre nouveau logement valoit, à plusieurs
égards, bien mieux que celui que nous avions
occupé auparavant. Nous pouvions au moins
recréer nos y eu x de la vue du ciel, des astres
et de beaucoup d’objets; nous promener en
liberté dans la cou r, respirer l’air et jouir de la
fraîcheur de son souffle; bienfaits dont nous
avions été si long-temps privés. Notre nourriture
étoit aussi infiniment meilleure. Mais
rien ne pouvoit nous consoler, quand nous
nous rappelions les dernières paroles du
bounio. Il nous avoit invités à regarder les Japonois
comme nos frères et nos compatriotes ;
il n’avoit pas dit,un mot de la Russie, ce qui
étoit contre son habitude. Précédemment il
nous avoit consolés chaque fois par la promesse
de s’interposer en notre faveur, et de
^nousprocurer notre retour; maintenant il nous
exhortoit à considérer les Japonois comme des
compatriotes. Cela nesignifioit-il pas que nous
devions demeurer pour-toujours au Japon, et
bannir de notre esprit toute pensée de la Russie.
Nous jurâmes q u l l n’en seroit rien, que nous
nous délivrerions par force du pouvoir des
Japonois, ou que nous nous enfuirions secrètement
dans la nuit. Nous convînmes una-
niment, à l’exception de M. Moor, de mourir
plutôt que de rester à jamais au Japon.
Tom. I. a4