japonois dura encore jusqu’au soir; on nous
fit sortir plusieurs foisi pour que nous pussions
nous reposer et manger; on nous régala,
comme à l’ordinaire , de saki, de tabac et de
thé. Le soir, nous retournâmes à la prison
dans l ’ordre accoutumé.
Les deux jours suivans , nous ne fûmes
pas interrogés ; mais nous remarquions que
les attentions des Japonois pour nous aug-
mentoient toujours. Ils firent donner de l’eau
chaude à nos matelots , et leur permirent de
laver, dans les corridors, leur linge et le nôtre,
ce qui étoit une opération bien nécessaire.
Depuis le jour où nous avions été arrêtés ,
les Japonois n’avoient lavé qu’une fois
nos chemises, sans y employer du savon. On
peut donc aisément juger dans quel état elles
se trouvoient, et que la permission de les
nettoyer à'fond dût être pour nous un grand
soulagement.
Us remplirent d’eau une cuve énorme ,
pour que nous pussions nous y baigner, et
firent chauffer de l’eau par le moyen d’un
tuyau de cuivre, aboutissante un petit réduit
quiservoitde foyer. Je me baignai le premier;
tous mes compagnons furent obligés de faire
usage de la même eau après moi, ce qui nous
déplut beaucoup; trouvant qu’en nous traitant
ainsi, on nous mettoit au-dessous des criminels
les plus abjects ; mais nous fûmes
promptement à même de nous tranquilliser
sur ce point; car, à notre surprise extrême,
nous vîmes quelques soldats impériaux, qui
étoient de garde près de nous, suivre notre
exemple , en se servant, sans scrupule, de
cette même eau sale, où huit hommes s’é—
toient déjà trempés et lavés , et sans y verser
une seule goutte d’eau fraîche. Ces soldats ,
comme je l’ai observé plus haut, jouissent,
au Japon, de beaucoup de considération ; on
peut conclure de là quel es Japonois n’ont
pas d’aversion ni de dégoût pour les chrétiens,
que d’autres peuples d’Asie regardent comme
des êtres impurs.
Plusieurs des officiers de jour nous régalèrent
de thé excellent, de sucre, de fruits, de
saki, etc. Il y en avoit un surtout, nommé
Ossagava Kakaemo, qui nous témoignoit beaucoup
d’affection ; il ne nous quittait qu’après
nous avoir dit des choses très-polies et nous
avoir fait quelque présent. Nous apprîmes
ensuite qu’un bâtiment, sur lequel se trou-»
voit un frère qu’il chérissoit, avoit péri depuis
peu. La pensée que ce frère pouvoit